Près de 300 photos sur la guerre du Vietnam, cadeau de l’État américain du Kentucky, sont exposées au Musée des vestiges de guerre de Hô Chi Minh-Ville (Sud). Une collection qui a fait le tour du monde avant de revenir sur le sol où elle a été immortalisée par les grands reporters sur place à l’époque.

La collection, baptisée «Requiem», réunit 275 photos, prises par 134 reporters-photographes. Ces derniers, de 11 nationalités, ont été dépêchés sur place plusieurs années au cours de la période 1954-1975. Parmi eux, 72 journalistes vietnamiens, 16 américains, 12 français et 4 japonais. L’on compte aussi des auteurs de nationalité australienne, autrichienne, britannique, allemande, suisse, singapourienne et cambodgienne. Particularité : tous ont trouvé la mort au cours de leur périlleuse mission. 

"Requiem", la guerre du Vietnam dans l’objectif hinh anh 1
Une femme vietnamienne traverse une rivière pour fuir les bombardements américains et chercher refuge pour elle et ses enfants. (Auteur : Kyoichi Sawada, lauréat du Prix Pulitzer en 1966)

Des photos de guerre pour la paix...

Avant d’être remises par l’État du Kentucky au Vietnam, ces photos ont pris part à un sacré parcours. Le journaliste Nguyên Duy Cuong, ancien directeur général adjoint de l’Agence vietnamienne d’information (VNA en abréviation anglaise), est l’un des deux Vietnamiens grâce à qui cette collection a pu rejoindre le pays.

Il raconte : « Une dizaine d’années après la guerre, quelques correspondants étrangers ayant couvert sur le terrain l’événement durant plusieurs années - dont le Britannique Tim Page et l’Allemand Horst Faas - ont pris l’initiative de réunir les clichés pris par des reporters-photographes étrangers morts durant leur mission au Sud Vietnam. Ils voulaient sortir un livre de photos intitulé +Requiem+ ».

Tim Page et Horst Faas voyagent alors un peu partout dans le monde afin de recueillir des milliers de photos. Ils en retiennent finalement 275, selon des critères de sélection bien précis. Tim Page propose ensuite à l’Association vietnamienne des photographes et à la VNA de collaborer pour la rédaction et la publication de Requiem, qui sera édité fin 1998.

... et pour que l’on n’oublie pas

Tim Page réalise dans le même temps deux exemplaires en grand format qui sont rachetés par des vétérans américains de guerre, dans le but d’organiser de larges expositions au Japon et en Europe. La collection exposée au Japon revient ensuite aux mains des vétérans américains du Kentucky. En novembre 1999, ces derniers - qui ont combattu de longues années au Vietnam - décident d’en faire une expo dans leur État avant de la transposer plus loin, à New York, dans le but de rappeler aux citoyens américains l’horreur et l’absurdité de ce conflit armé perpétré au Vietnam.

Une délégation vietnamienne, conduite par le journaliste Nguyên Duy Cuong et le photographe Lê Phuc (ancien rédacteur en chef du Vietnam Illustré , ancien secrétaire général de l'Association des artistes photographes du Vietnam , est invitée à assister à l’exposition au Kentucky. Une initiative saluée par le gouverneur Paul Pason. « Le gouverneur du Kentucky est venu en personne pour prononcer un discours lors de l’exposition et pour nous remettre un satisfecit honorifique. Il nous a précisé que cet honneur était réservé à ceux qui, du côté vietnamien, avaient permis d’établir des relations entre l’État américain et le peuple vietnamien », se rappelle Nguyên Duy Cuong. 

"Requiem", la guerre du Vietnam dans l’objectif hinh anh 2

L’armée américaine parée à lancer une offensive durant les années 60 à Sài Gon.                      
(Auteur : Henri Huet, France).

À l’issue de leur participation, deux journalistes vietnamiens parviennent à faire signer un aide-mémoire selon lequel le Kentucky offrira ces photos au Vietnam (frais de transfert inclus), une fois les différentes expos aux États-Unis terminées. L’aide-mémoire précise que la VNA a la responsabilité d’organiser deux expos sur cette collection au Vietnam avec la participation des délégués du Kentucky. « Le gouverneur Paul Pason nous a dit que ces photos pourraient être parmi les dernières œuvres des reporters-photographes en mission dans le Sud Vietnam. Elles sont un patrimoine que nous avons le devoir de préserver », raconte l’ancien directeur général adjoint de la VNA.

En l’an 2000, les clichés sont présentés au public vietnamien au Centre d’expositions de Vân Hô (Hanoi), puis au Musée des vestiges de guerre de Hô Chi Minh-Ville, avant d’être remis officiellement à ce dernier.

Cette collection est perçue comme l’une des plus célèbres sur la guerre du Vietnam. Aujourd’hui de retour sur la terre qui l’a vue naître, mais dans un contexte tout autre, elle peut enfin trouver un repos bien mérité, avec le sentiment du devoir accompli. -VNA