Quand les jeunes se prennent de passion pour le ca trù
En
1999, le vieux Ngo Trong Binh, domicilié dans la province centrale de
Thanh Hoa, montait à Hanoï pour faire renaître le club de ca trù « Bich
cau dao quan ». Ça faisait plus d’un demi-siècle qu’il n’avait plus
touché son instrument. Mais depuis, il s’investit totalement dans la
pratique et surtout dans la transmission de l’art du dan day, la cithare
rectangulaire du ca trù. Ces dernières années, Ngo Trong Binh n’a plus
la force de monter jusqu’à Hanoï. Il reste dans sa province - Thanh Hoa -
où il a créé son propre club de ca trù, baptisé Huong xua - Parfum
d’antan, en français.
« La passion du métier est
quelque chose d’inaltérable. J’ai transmis mon art à plusieurs
citharistes, chanteuses et tambourinistes. Je me devais de restaurer
l’art du ca trù, sinon je me serais senti coupable vis-à-vis de mes
ascendants mais aussi des générations futures », a révélé M. Binh.
« Dans mon club, certains sont vendeurs de légumes, d’autres,
conducteurs de moto-taxis. Le fait de maintenir un fonctionnement
régulier du club est déjà très difficile. Mais ça marche, puisque tout
le monde est extrêmement motivé », a-t-il poursuivi.
À 85 ans, Ngo Trong Binh a participé à de nombreux festivals,
obtenu de nombreux prix, mais pour lui, le plus important est de créer
une génération prête à entretenir la flamme. Il est heureux de constater
que les clubs de ca trù attirent de plus en plus de jeunes. Chacun
compte en moyenne trois ou quatre jeunes chanteuses qui, chaque fois
qu’elles lèvent la voix, sont écoutées attentivement et avec admiration
par les spectateurs.
Nguyen Thi Thanh Dung, 13
ans, fait partie du club de ca trù du district de Thuan Thành, dans la
province de Bac Ninh. Elle a estimé : « Je dois aller à l’école tous les
jours. Je peux suivre des cours de ca trù uniquement le dimanche ou
quelques soirées dans la semaine, pendant une ou deux heures seulement.
C’est très difficile de mémoriser les chansons. Après qu’elles m’aient
été transmises oralement par Nguyen Thi Thiep, je dois ré-écouter
l’enregistrement, le retranscrire dans mon cahier et ré-écouter encore
plusieurs fois, jusqu’à en comprendre vraiment le sens. Il faut aimer
ces chansons pour pouvoir les apprendre. »
Professeur To Ngoc Thanh
Certes, les jeunes ont encore beaucoup à apprendre avant d’atteindre le
niveau de leurs aînés, mais leur amour du ca trù est immense. C’est
l’avis du professeur To Ngoc Thanh, président de l’Association des arts
folkloriques vietnamiens. Il a affirmé : « Moi, j’ai demandé à ce qu’on
enlève le qualificatif +urgente+ de l’expression +liste du patrimoine
culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente+, liste sur
laquelle le ca trù a été inscrit. Maintenant, nos festivals attirent
aussi des jeunes filles, ce qui veut dire que cette sauvegarde n’est
plus urgente. Le ca trù renaît de ses cendres. »
Lors du dernier festival national de ca trù, on trouvait sur scène
aussi bien des enfants que des patriarches. La plus jeune avait en effet
4 ans et le plus âgé, 87 ans. Les vieux artistes s’en réjouissent : la
relève est assurée. – VOV/VNA