"On pense à l’Oncle Hô à chaque retour du printemps"
Plus tard, il a écrit "L’île immergée", une oeuvre qui dépeint la vie des combattants assurant la défense de l’archipel de Truong Sa (Spratley) et qui est vite devenue le livre de chevet de plusieurs générations. Trân Dang Khoa travaille actuellement à la Voix du Vietnam.
Il écrit pour plusieurs rubriques ce qui lui permet de coucher ses pensées et ses réflexions sur l’actualité du pays. VOVworld.vn a l’honneur de vous présenter quelques pages du blog de la rédaction de VOVonline.
Tran Dang Khoa : On pense à l’Oncle Hô à chaque retour du printemps
Des
fois, dans une vie de fonctionnaire, nous procédons à une besogne somme
toute assez banale : la déclaration de nos biens, ce qui nous donne
l’occasion de nous lamenter sur notre propre sort. Pourquoi la richesse
nous échappe-t-elle encore et toujours ? Et puis, nous nous rassurons
vite. Il suffit de songer aux autres pour comprendre qu’il y a toujours
plus pauvre que nous.
Même un paysan qui a les mains et les pieds
toujours barbouillés de boue et qui se trouve en bas de l’échelle
sociale possède toujours un jardin potager, une mare, ou au moins un
porc, de la volaille… Il a toujours quelque chose. Il n’y a qu’un seul
homme qui n’ait jamais rien possédé. Cet homme, c’est l’Oncle Hô, le
président Ho Chi Minh.
L’inventaire de ses biens matériels
est bien vite expédié : une veste kaki, une paire de sandales en
caoutchouc, un éventail en feuille de palmier… Et pour ce qui est des
médailles ou des décorations, l’Oncle n’en possédait aucune, même pas un
satisfecit. Sa vie privée aussi, n’est qu’ascèse. Vu Ky, son secrétaire
personnel, raconte qu’une nuit, alors que les lumières étaient déjà
éteintes, on entendait toujours la radio dans la chambre de l’Oncle.
Croyant qu’il dormait déjà, Vu Ky s’est approché à pas de loup pour
éteindre la radio. Et l’Oncle de lui dire : "N’éteignez pas... Laissez
comme ça pour qu’on entende des voix d’hommes ou de femmes dans ma
chambre."
Quel bonheur, et quel honneur, pour la Voix du
Vietnam d’avoir ainsi été le compagnon de l’Oncle dans ses moments de
solitude !
Il était donc l’un des hommes les plus pauvres
de son pays, ce qui ne l’a pas empêché de nous laisser un héritage
colossal. Il nous a donné l’indépendance, nous a légué une oeuvre
révolutionnaire rayonnante et continue de nous inspirer par son mode vie
noble et pur.
Toute sa vie durant, l’Oncle s’est
préoccupé des pauvres et des travailleurs. N’a-t-il pas d’ailleurs nommé
le Parti "Parti des travailleurs du Vietnam" ? Il consacrait
l’essentiel de ses revenus à offrir des cadeaux aux plus pauvres. A
chaque nouvel an lunaire, c’est dans les foyers les plus démunis qu’il
se rendait pour présenter ses voeux.
Ses visites étaient
souvent gardées secrètes. Les autorités locales n’étaient pas prévenues,
histoire qu’il n’y ait ni accueil pompeux, ni médiatisation. La plupart
du temps, l’Oncle Ho n’était accompagné que par le fidèle Vu Ky qui
nous rapporte cette anecdote qui suit.
Une travailleuse
qui vivait dans une petite ruelle devait travailler péniblement pour
transporter de l’eau pour le compte d’autrui, y compris au moment du
Têt. Chez elle, l’autel des ancêtres restait vide, il n’y avait même pas
de banane ou de gâteau de riz gluant.
On imagine dès lors
quelle a été sa stupeur lorsqu’elle a vu apparaître l’Oncle Ho dans sa
masure misérable. "Jamais je n’aurais pensé que vous me rendriez
visite", lui a-t-elle dit. "Et si ce n’est à toi, à qui rendrai-je
visite?", lui a-t-il répondu. Et les deux d’éclater en sanglots,
submergés par l’émotion. D’après Vu Ky, c’était l’un des derniers Têt de
l’oncle Ho.
Le peuple était pauvre, et l’Oncle Ho vivait
dans l’austérité. Ses repas étaient ceux d’un paysan pauvre, de même que
ses vêtements, y compris lorsqu’il recevait des hôtes internationaux.
Un cadre s’en était d’ailleurs ému : "Mon Oncle, vous représentez le
Parti et le peuple. A vous voir dans une mise aussi modeste, nos hôtes
vont penser que nous ne prenons pas soin de vous…"
Et
l’Oncle de sourire calmement : "Je vis comme ça et en bas vous vous
livrez encore à des extorsions contre le peuple. Et si je vis dans le
luxe, vous allez tout ravir au peuple ?"
Le
mode de vie de l’Oncle Ho est exemplaire à plus d’un titre, notamment
pour les cadres. Même en période de guerre, alors que le pays était en
pleine tourmente, le peuple est resté calme et serein. Dans les rues, on
ne craignait pas le pillage. Il n’y avait ni corruption, ni
prostitution. L’atmosphère était des plus saines, comme par sa
bienveillance, l’Oncle avait étendu son voile protecteur sur le pays
tout entier.
Jusqu’au bout, l’Oncle Ho se sera dévoué au
peuple. Dans son testament, sa vie privée n’est que peu évoquée. Et pour
ce qui est de ses funérailles, il les voulait modestes, "pour ne pas
gaspiller l’argent et le temps du peuple", a-t-il écrit.
Nous
nous efforçons d’étudier et de suivre l’exemple moral et la pensée de
Ho Chi Minh. Mais quelle est la pensée de Ho Chi Minh ? J’ai aussi suivi
des cours. Il existe pas mal de définitions, pas mal aussi de
conceptions imposées et subjectives. Pour ce qui est de la pensée de Ho
Chi Minh, peu de personnes ont su disserter de manière aussi
intéressante et précise que l’ex-secrétaire général du Parti Dô Muoi. Il
l’a fait au siège de l’association des écrivains pendant quatre heures
de suite.
Parlant de la pensée de Ho chi Minh, Dô Muoi a
proposé une définition brève mais assez précise : "Qu’est que c’est que
la pensée de Ho chi Minh ? C’est la vietnamisation de toutes les pensées
les plus avant-gardistes et les plus intéressantes de l’humanité !".
Autre point sur lequel il y a beaucoup d’enseignement à tirer de l’Oncle : l’art de comprendre et d’utiliser les hommes.
En
1941, l’Oncle a peint une image avec un clairon, le chiffre 1945 et ce
vers, prophétique: "Le Vietnam independent fera résonner le clairon".
C’est exactement ce qui s’est passé par la suite. Dès 1941, l’Oncle,
visionnaire, avait su prédire le jour de l’indépendance, comme il l’a
fait ensuite pour la libération de Saigon. Le soir du 30 avril 1960,
dans son discours en l’honneur de la Journée internationale du Travail
lu à l’Opéra de Hanoi, il existe une ligne qui a été barrée, mais que
l’on peut encore lire au musée Ho Chi Minh : "… Au plus tard dans 15
ans, notre pays sera réunifié, nos compatriotes du Nord et du Sud seront
réunis sous le même toit…"
" Dans 15 ans …" à compter de
1960, cela nous mène à 1975, très précisement. Beaucoup de gens
accordent des vertus quasi-prophétiques à l’Oncle Ho qui a excellé dans
l’art de mener les hommes. En 1946, ayant de quitter le pays, il a
confié le gouvernement du pays à Huynh Thuc Khang en lui recommandant de
s’en tenir aux principes immuables et de rester souple pour faire face
aux évènements. Pour un lettré érudit comme Huynh, cette recommandation
était suffisante.
On peut d’ailleurs s’étonner de voir qu’à
l’une des périodes les plus critiques de l’histoire du pays, l’Oncle
ait choisi de confier le pouvoir à une personnalité qui n’était pas
membre du Parti, en l’occurrence Huynh Thuc Khang. Pour surprenante
qu’elle ait été, cette décision n’en était pas moins audacieuse et en
tout cas nécessaire à un moment où il fallait garantir la cohésion de la
nation en réunissant aussi largement que possible. Beaucoup de
personnes, ainsi appelées à servir, ont su faire preuve d’abnégation.
L’Oncle utilisait les hommes avec beaucoup de tact. Les cadres qu’il a
choisis, auxquels il a confiés des tâches sont tous devenus tous des
figures brillantes de l’histoire du pays.
Je songe en
particulier au général Vo Nguyên Giap. Quelle force d’intuition a-t-il
fallu à l’Oncle Ho pour décéler le génie stratégique chez ce professeur
d’histoire qui n’était pas passé par aucune académie militaire ! L’Oncle
lui a confié l’armée, puis l’a promu directement général, en lui
laissant le pouvoir de décider pour tout ce qui relevait des questions
militaires : "Vous êtes général au front, à vous de décider ce qui vous
semblera nécessaire et de me le rapporter après".
La suite
a montré à quel point ce choix avait été judicieux. Vo Nguyên Giap a su
faire preuve d’un véritable génie militaire, devenant ainsi le lointain
mais ô combien digne successeur de Tran Hung Dao, Ly Thuong Kiêt ou
Quang Trung.
Selon la journaliste américaine Lady Borton,
une fois, certains de ses collègues français avaient interrogé l’Oncle à
ce sujet précis : "Monsieur le Président, vous avez promu directement
général M. Giap, suivant quelle norme ?" Et l’Oncle de répondre : "Notre
pays est celui des guérilleros. Nous combattons l’agresseur par la
guérilla, alors la promotion des généraux se fait aussi suivant le mode
de la guérilla. Le général Giap a vaincu des généraux français
prestigieux, il mérite pleinement son titre !". La réponse, celle du
berger à la bergère, a déclenché un accès d’hilarité générale, dit-on !
Ainsi est notre Oncle ! Capable mieux que tout autre de
ramener les choses à leur vraie dimension, comme seuls les sages peuvent
le faire. -VNA/VOV