Les musées vietnamiens doivent se mettre au virtuel
Lancé en 2011,
Google Art Project, un des derniers projets du géant Google, est un
immense musée virtuel où les amateurs d’art adorent s’y perdre. En un
clic, on accède au site Internet ( http://www.googleartproject.com
), on choisit un musée et on se balade à l’intérieur. N’importe où dans
le monde, on peut admirer plus de 45.000 œuvres - peintures, sculptures,
photographies, antiquités... - de 151 musées ou lieux différents de 40
pays, à travers des photos en extrême haute définition (7 milliards de
pixels) permettant d’étudier les détails du travail au pinceau et de la
patine bien au-delà de ce qui est visible à l’œil nu.
Tout est accessible dans ce gigantesque musée virtuel, des collections
du Musée de l’or de Bogota aux chefs-d’œuvre d’art moderne de San
Francisco en passant par les trésors du Musée de Dehli. « Avec un musée
en ligne, la distance entre les visiteurs et les œuvres n’est pas
limitée comme dans un musée classique. La diffusion des œuvres devient
planétaire, par la magie d’Internet », s’enthousiasme le critique d’art
Nguyên Anh Tuân. Avec le web, le monde de l’art s’est trouvé un
merveilleux mode de diffusion. L’art et le web : un couple moderne et
complémentaire.
Google continue d’encourager les musées,
grands comme petits, dans le monde entier à participer à ce projet avec
comme condition préalable, bien sûr, de numériser les collections. Le
Vietnam, bien qu’il désire ardemment y participer, devra encore
attendre, tout simplement parce qu’une infime partie de ses collections
est numérisée, et même celles de son plus grand musée, celui des
beaux-arts à Hanoi.
À quand la numérisation ?
Nul ne dira le contraire, la numérisation se révèle nécessaire, pas
seulement pour participer à Google Art Project mais aussi, et c’est
peut-être là le plus important, pour créer un musée numérique facilement
consultable. Ce dernier, outre son rôle de canal de promotion efficace
des beaux-arts vietnamiens, permettra aussi de constituer une base de
données sur les styles, les écoles, les peintres... Car c’est un fait,
aussi bien les étrangers que les Vietnamiens eux-mêmes désireux
d’étudier les beaux-arts vietnamiens ont beaucoup de mal à trouver des
informations pointues. C’est ainsi que l’on arrive à des aberrations
telles que confondre des œuvres fausses et vraies ou mal en évaluer la
valeur.
« Par manque de connaissances, le fils d’un
grand artiste a vendu involontairement une soi-disant œuvre de son père à
un collectionneur étranger que s’est révélée être un faux! », se
rappelle la critique d’art Nguyên Hai Yên, ancien chercheur à l’Institut
des beaux-arts et Musée des beaux-arts. Avec la numérisation, cette
banque de données tant attendue deviendra une réalité, pour le plus
grand bonheur des collectionneurs, des professionnels de la vente
d’objets d’art, des experts, des chercheurs et des passionnés d’art en
général.
Il y a trois ans, Nguyên Hai Yên a publié son
livre Hội họa Hà Nội - Những ký ức còn lại (Peinture de Hanoi -
Souvenirs restants), qui traite de l’histoire des beaux-arts de l’époque
indochinoise à la période moderne. Ce document, qui aborde un thème
très peu traité, est rapidement devenu une référence, pour Christie’s et
Sotheby’s entre autres, dans l’identification et l’évaluation des
œuvres vietnamiennes.
Il y a deux ans, le Musée des
beaux-arts du Vietnam a invité Mme Yên à collaborer pour compléter les
données sur 200 œuvres exposées. Une bonne initiative mais une goutte
d’eau dans l’océan si l’on réfléchit un instant à l’immensité du trésor
artistique vietnamien. « Très peu de gestionnaires de musées ont
conscience de la nécessité d’établir des bases de données sur les
beaux-arts du Vietnam », déplore le peintre Lê Huy Tiêp. Donc, pour
instaurer une banque de données, il faut se baser aussi sur les
«archives vivantes» que sont les chercheurs et critiques d’art les plus
expérimentés comme Mme Yên. Malheureusement, ces experts de haute volée
sont très peu nombreux, et âgés de surcroît. Donc le temps presse. Il
faut «prendre le taureau par les cornes» et entreprendre cette
numérisation sans tarder, sans quoi la banque de données aura beaucoup
de lacunes qu’il sera très difficile de combler.
En jeu
«J’ai visité des musées dans de nombreux pays, dont ceux de nos proches
voisins, et je trouve globalement que nous sommes très en retard sur
eux dans la création de musées virtuels», renchérit le peintre Lê Huy
Tiêp. Même le représentant du Musée des beaux-arts du Vietnam l’admet :
«Notre façon d’organiser et de mettre en valeur nos collections est un
peu rétrograde. Alors créer un musée virtuel nécessite un budget certain
».
Mais pour le critique d’art Nguyên Anh Tuân, « la
création d’un musée numérique dépend entièrement de la volonté des
gestionnaires. Les financements ou la technologie ne sont en aucun cas
une limite. Par exemple, récemment, le Musée de l’histoire du Vietnam a
été un pionnier. Il a procédé à la numérisation des collections de deux
expositions à un coût abordable. La clé du problème, c’est de vouloir le
faire ou non ».
Dans l’avenir, le musée numérique
servira un objectif autrement plus ambitieux : promouvoir les arts
vietnamiens. Car nos concitoyens ressentent une certaine amertume de
voir que dans le gigantesque musée virtuel de Google, les beaux-arts
vietnamiens ne sont représentés que par quelques œuvres de deux artistes
contemporains, Trân Luong et Nguyên Quân, sur le site du musée de...
Singapour.-CVN/VNA