Les maisons longues des Ê dê, une peau de chagrin
Aujourd’hui, la province de Dak Lak, sur les
Hauts plateaux du Centre, ne compte plus que 2.608 maisons longues
traditionnelles, représentant moins de 30% des habitations Ê dê. Dans
certains des villages qui la composent, comme Kô Sir ou Pann Lam, il
n’en subsiste plus aucune.
Alors que l’urbanisation
poursuit son développement, les matériaux s’épuisent à mesure. De leur
côté, les villageois ont transformé leurs longues maisons de bois et de
bambou en logements faits de béton et d’armatures en acier, ou en
maisons de plain-pied inspirées des Kinh. Même les espaces culturels
sont désormais construits en dur, en dépit de l’avis des patriarches qui
estiment qu’ils perdent ainsi toute leur âme.
Dans
ce contexte peu reluisant, le village d’Akô Dhông (au centre de la
ville de Buôn Ma Thuôt) a décidé d’adopter une mesure pour préserver ce
patrimoine : ceux désirant construire une nouvelle maison ne peuvent le
faire qu’à proximité de leur ancienne demeure. Objectif : ne pas la
détruire. Ainsi, pour l’heure, ce village en a préservé 53, et attire
même les touristes vietnamiens et étrangers. Mais c’est insuffisant, car
la plupart sont en ruines. « Si les générations futures ne leur
accordent pas d’intérêt, elles ne subsisteront que dans les mémoires»,
regrette le patriarche du village d’Ama H’rin.
Un patrimoine à préserver
Selon le directeur adjoint du Service provincial de la culture, des
sports et du tourisme de Dak Lak, Truong Bi, « si les maisons longues
traditionnelles disparaissent, les us et coutumes, les rites et bien
d’autres activités quotidiennes pratiquées dans ce lieu patrimonial de
la communauté des Ê dê s’évanouiront avec elles».
Ces
demeures caractéristiques des Ê dê, sur les Hauts plateaux du Centre,
sont des maisons sur pilotis très basses de 15 m à 100 m de long. Cette
longueur varie en fonction du nombre de membres dans la famille. Mais
ces bâtisses sont toujours très grandes car elles abritent plusieurs
générations, selon le régime matrilinéaire de l’ethnie Ê dê. Si l’une
des filles de la lignée se marie, on peut même les allonger.
Pour y accéder, on emprunte généralement un petit escalier de bois,
sur lequel est souvent sculpté un croissant de lune et deux seins,
symboles de la mère. Les maisons longues traditionnelles sont
construites avec divers matériaux : la structure est en bois taillé à la
main et en bambou, et la toiture, particulièrement épaisse, est
recouverte de feuilles. Elle reste toutefois capable de résister aux
aléas climatiques.
À l’intérieur, le plancher, fait
de bambou tressé, est surélevé à environ un mètre du sol. Quant aux
arbalétriers et aux piliers, ils sont tous gravés avec divers animaux,
comme l’éléphant ou la tortue. Plusieurs cloisons séparent les
différentes pièces de la maison mais un couloir permet de la traverser
de long en large. La première moitié de la maison, appelée Gah, est
l’espace réservé au salon. C’est le lieu où l’on se réunit. On y trouve
le plus souvent des tabourets, des bancs (Kpan) de 20 m de long taillés à
partir de troncs d’arbres, des gongs et une cuisine. La moitié qui
reste est composée de la cuisine commune et des chambres.
La
maison considérée comme la plus longue du pays (100 m) se trouve tout
près de la cascade Bay Nhanh, dans la zone touristique du village de
Dôn, province de Dak Lak. - VNA