Dans certaines zones rurales, les bibliothèques villageoises sont le rendez-vous de tous ceux qui aiment la lecture. Enseignants à la retraite, agriculteurs, élèves... ils contribuent au succès des bibliothèques villageoises, un modèle à multiplier pour réduire l'écart culturel entre villes et campagnes.

Les personnes âgées lisent les journaux et commentent les nouvelles. Les agriculteurs, en profitant de leur temps libre, partent à la recherche d'ouvrages pour enrichir leurs connaissances agricoles. Les enfants, élèves empruntent des livres de fiction...

Cela fait une dizaine d'années que la bibliothèque du village de Binh Vong, commune de Van Binh, district de Thuong Tin (Hanoi), est la destination régulière des villageois et de ceux qui aiment la lecture. Avec ses 10.000 références, cette bibliothèque fondée par les habitants est l'un des établissements locaux les plus efficaces du pays.

La bibliothèque jouit d'une telle réputation qu'elle "reçoit souvent des lettres d'encouragement de la part des lecteurs de toutes les contrées du pays", fait savoir Luong Van Tang, bibliothécaire. "En même temps, la bibliothèque villageoise reçoit les dons de livres de différentes organisations et particuliers dans le pays comme de l'étranger, dont la Bibliothèque nationale du Vietnam". Grâce à ces aides, le nombre de livres, de journaux et de magazines de l'établissement est passé de 500 ouvrages en 1999, année de la naissance de la bibliothèque, à 10.000 en 2010.

La bibliothèque du village de Binh Vong a été créée en 1999, à l'initiative de l'enseignant à la retraite Duong Van Phi.

"J'ai contasté que les villageois et les agriculteurs avaient de grands besoins de lire, d'enrichir leurs connaissances", déclare Duong Van Phi. "Toutefois, les conditions n'étaient pas propices à la lecture et à l'accès aux livres dans cette région rurale". De cette réalité, le vieil enseignant s'interroge : "Pourquoi ne rassemblons-nous pas les livres pour que tout le monde lise?".

Au début, Duong Van Phi apportait ses livres et journaux à la maison communale chaque samedi pour que tous les villageois puissent les lire. Puis, les habitants ont pris l'habitude de se réunir pour des séances de lecture, en apportant chacun leurs livres, journaux et magazines qu'ils ont pu amasser au fil du temps. Jour après jour, la collection de livres, magazines apportés par les habitants s'est enrichie. Les villageois ont pensé à installer des étagères pour ranger ces différents ouvrages. C'est ainsi que la bibliothèque du village de Binh Vong a pu être créée. Et aujourd'hui, la bibliothèque réunit de plus en plus de lecteurs mais aussi de gens qui participent à la gestion de l'établissement. Le club de lecture de la bibliothèque compte 120 membres dont 100 personnes âgées et 20 jeunes. Ces bibliothécaires ont cherché à mettre en place une gestion scientifique les livres, journaux et magazines, pour être classifiés selon différentes catégories : politique, culture, économie, littérature de jeunesse...

Pour mieux servir les lecteurs, les bibliothécaires ont collecté des articles sur la santé afin d'en faire une compilation dans le livre "Protégez notre santé". La bibliothèque est ouverte tous les jours de la semaine. Depuis juin 2008, après l'inauguration de la Maison de la culture du village, la bibliothèque a été déplacée dans cette nouvelle construction. Actuellement, la bibliothèque de Binh Vong fonctionne bien, avec une salle de lecture, une autre destinée aux prêts des livres, un lieu de stockage des ouvrages référencés et un ordinateur pour effectuer une recherche rapide des ouvrages.

À côté de cette bibliothèque du village de Binh Vong, il y a, dans la banlieue de Hanoi, d'autres bibliothèques fondées par les particuliers. Nguyên Duc Tho, habitant du village de Thach, commune de Thach Xa, district de Thach Thât (Hanoi), a fait de sa propre maison la bibliothèque villageoise, avec 300 livres à consulter. Et lui fait office de bibliothécaire.

La bibliothèque de Nguyên Duc Tho est ouverte deux jours par semaine et voit défiler environ 200 lecteurs. Pour enrichir sa collection d'ouvrages, il a frappé à la porte de grandes bibliothèques, mais aussi de familles du village et de ses amis pour demander de lui faire don de livres. Il a consacré une partie de son salaire modeste pour acheter de nouveaux ouvrages. Près de dix ans après sa naissance, la bibliothèque de Nguyên Duc Tho compte aujourd'hui plus d'un millier de livres et des dizaines de magazines.

De son côté, Trân Van Chin, du village de Dông Phuc, commune de Dông Mai, arrondissement de Hà Dông (Hanoi), a fait de sa maison le rendez-vous des lecteurs. Sa bibliothèque Hung Phuc a été fondée en 2005.

"J'ai passé une enfance difficile où les conditions de vie ne m'ont pas permis de poursuivre mes études. Les livres que j'ai empruntés des enseignants et amis m'ont donné beaucoup de connaissances et de l'amour pour la vie", confie le propriétaire des lieux, aujourd'hui homme d'affaires versant dans la fabrication des meubles.

"En guise de reconnaissance", Trân Van Chin a ouvert au public sa bibliothèque qui comprend 4.000 livres, un vrai trésor car ce passionné de lecture a parcouru le Vietnam ainsi qu'une trentaine de pays étrangers en quête de livres précieux couvrant différents domaines.

La bibliothèque Hung Phuc propose deux salles de lecture, l'une pour les lecteurs dits populaires, agriculteurs et jeunes du village avec 3.000 livres de connaissances générales : Soins et éducation des enfants, Encyclopédie de biologie, 1.000 récits légendaires du Vietnam et du monde… L'autre permet aux étudiants et chercheurs d'accéder à des livres rares comme "Dai Viêt su ky toàn thu" (Annales complètes du Grand Viêt), 21 tomes, version manuscrite de l'époque du règne des Ly-Trân (XIe-XIVe siècles), Sagesse de l'Orient, Philosophie de l'Occident… La bibliothèque Hung Phuc est ouverte tous les jours, de 07h00 à 20h00.

Selon la Bibliothèque nationale du Vietnam, le pays recense certaines bibliothèques villageoises efficaces qui sont : Tân Ap (Hô Chi Minh-Ville), Duoc Thuoc et Gia Cao (Hanoi), Quang Diên, Quang Vinh et Kê Môn (Thua Thiên-Huê), Linh Da (Khanh Hoà)...

Selon Nguyên Trong Phuong de la Bibliothèque nationale du Vietnam, il y a près de 30 ans, à l'époque où des subventions budgétaires étaient versées par l'État, les bibliothèques villageoises fonctionnaient très bien. Depuis la conversion à l'économie de marché, le budget destiné aux bibliothèques villageoises a été supprimé, entraînant la fermeture de diverses bibliothèques de ce type, faute de financement et de personnel... -AVI