Au Vietnam, c’est l’événement de l’année. Pour les locaux, mais pas seulement. Les expatriés aussi vivent le Têt comme un point fort du calendrier. Nouveau venu dans le pays ou plus familier de ses coutumes, voici leurs impressions.

Noël est passé, Nouvel An aussi. Peut-être même votre anniversaire. Vous croyez les jours de bombance et de retrouvailles familiales terminés ? Pas si vous êtes au Vietnam. Ici, l’événement de l’année, la fête par excellence, c’est le Têt. Autrement dit le Nouvel An lunaire. Que vous soyez natif ou non, impossible de passer à côté. Au Vietnam, il est partout. Dans la rue, dans les maisons, dans les esprits, dans les transports publics, dans les porte-monnaie.

En tant qu’étranger, vous risquez même d’être fortement sollicité pour participer activement à la fête. «Pour les Vietnamiens, notre présence est un honneur, explique Blandine Le Page, 22 ans, qui habite Hanoi depuis octobre et qui a effectué un premier séjour au Vietnam d’août à février 2013. L’année passée, j’avais reçu des invitations à tire-larigot». Installé au Vietnam depuis dix ans, Gérard Bonnafont va même plus loin : «L’expatrié est une star. Les Vietnamiens donnent une grande importance à la personne qui, le jour du Têt, franchira le premier le seuil de leur maison. Cela détermine leur bonne ou mauvaise fortune pour l’année entière. Il est choisi à l’avance selon des critères précis, statut social, date de naissance, etc. Et cela tombe souvent sur un étranger. Je me cache, mais ils viennent me chercher. Il faut se faire à l’idée qu’on est rangé au statut de patte de lapin durant cette période».

Une bonne dose de superstition

Marié à une Vietnamienne, Gérard Bonnafont passe le Têt en famille. «Comme tous les Vietnamiens. Et en famille élargie bien sûr». Même chose pour Jean Bresson, 33 ans, qui a lui aussi épousé une fille du pays. Pour le Français originaire des Pyrénées, au Vietnam depuis six ans, le Têt prend pourtant des allures de contrainte. «Au début, j’étais très enthousiaste, avide de découvrir cette tradition. Mais aujourd’hui, je suis rompu à l’exercice. Il y a beaucoup d’obligations sociales. Pour les Vietnamiens aussi, c’est parfois trop. Cette année, je vais passer deux jours dans la famille de mon épouse. Le minimum syndical. Ensuite, nous allons voyager». Mais Jean Bresson prévient : «Lorsqu’on veut partir, mieux vaut s’y prendre à l’avance. Tout est complet et les prix sont beaucoup plus élevés que le reste de l’année».

Passer le Têt dans une famille vietnamienne, c’est au contraire ce que recherche Marion Nollet, 26 ans, à Hanoi depuis début décembre. «Le Têt, c’est comme Noël chez nous, si tu ne le vis pas en famille, je pense qu’il est dur de se représenter ce que c’est. Ce serait vraiment dommage de passer à côté de ce temps fort de la vie vietnamienne, qui s’annonce très intéressant d’un point du vue culturel et ethnologique». Elle a d’ailleurs déjà été invitée dans une famille à Hôi An. «J’ai hâte de voir comment ça se passe. Reste à trouver un cadeau adéquat pour mes hôtes. On m’a conseillé d’amener du thé». Même constat pour Blandine Le Page, qui a apprécié son expérience au sein d’une famille vietnamienne. «J’étais heureuse de le vivre de cette manière, et non pas de loin, comme les touristes. J’ai participé à la confection des mets. J’assistais cependant à certaines choses sans les comprendre. Mais mes hôtes parlaient anglais, je pouvais donc leur poser des questions». Et de relever qu’«une bonne dose de superstition, omniprésente durant le Têt, est bonne à prendre. En Europe, nous sommes très cartésiens».

Cette année, Blandine Le Page compte bien revivre le Têt dans une famille vietnamienne, mais de manière raccourcie. «Tu manges et tu bois beaucoup», confie la Française. Jean Bresson abonde : «Le Têt, c’est physique. À tous points de vue. Il y a entre cinq et six repas par jour. À la fin, tu n’apprécies plus vraiment».

Sans compter que cette profusion de nourriture demande un travail colossal aux cuisinières. «Le Têt, ce sont des vacances pour que les femmes aient du temps pour faire à manger. Les hommes discutent», complète Gérard Bonnafont.

Calamité pour les patrons

Cette période de congé s’avère aussi rude pour l’économie du pays. «Tout est fermé. Lors de mon premier Têt, j’accompagnais des touristes à Hô Chi Minh-Ville. Nous avions fait des provisions dans le réfrigérateur de l’hôtel pour nous faire des sandwichs», raconte Gérard Bonnafont.

Pour les patrons également, ces jours de festivités sont difficiles. «C’est une calamité, tous les employés sont absents», note David Cohen Nguyên, à Hanoi depuis six ans. Par contre, l’argent circule durant le Têt. Il fuse. «Le Têt, c’est un feu d’artifice d’argent, commente-t-il. À tout moment, il y a des enveloppes rouges qui se baladent. On l’appelle le li xi. Plus tu en donnes, plus tu recevras spirituellement en retour». -CVN/VNA