Introduit au Vietnam avec la culture française, le café est devenu une partie intégrante de la vie quotidienne en milieu urbain. Le lieu où l’on en boit est aussi devenu un espace de partage pour les citadins, au point qu’on l’appelle "espace culturel du café".

Les Vietnamiens sont de gros consommateurs de café. La dégustation de cette boisson a ses passionnés. Le styliste Chuong Dang, âgé d’une trentaine d’années, s’enthousiasme pour ce sujet : "Les cafés reflètent la culture de la population locale. Lorsque vous voyagez, si vous voulez découvrir une région et ses habitants, alors allez au café où il y a le plus de clients !".

En effet, pour Chuong Dang, c’est une façon de se familiariser avec le mode de vie des locaux de chaque endroit où il met les pieds lors de ses nombreux voyages, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger. "J’ai appris que le succès d’un café est dû à son propriétaire, s’il sait créer son propre style. Boire un café, c’est bien. Mais boire un café dans un endroit stylé, c’est quand même mieux !", a-t-il observé.

Truong Duc Long est propriétaire du café Bazar à Hô Chi Minh-Ville. «Mes amis de l’étranger ou d’autres régions me demandent quelle est la spécialité de Saigon, je leur réponds : c’est le café», explique-t-il.

D’après lui, si un touriste étranger veut découvrir la mégapole du Sud sur le plan culturel, il doit aller dans un café jardin. Parler de Paris, c’est parler de ses cafés en terrasse. Alors qu’à Hô Chi Minh-Ville, il y a beaucoup de soleil, et il n’y a rien de plus agréable que de siroter un café en regardant le soleil à travers les feuilles. "Personnellement, j’aime le café. Et j’ai décidé de créer cette boutique pour perpétuer la tradition familiale. Mon père est un fou de café", a confié Long.

Selon lui, la spécificité de l’espace culturel du café réside dans le fait que le lieu est propice à la réflexion et la créativité. «Dans cet espace, on échange ensemble, dans le calme et la compréhension mutuelle. On peut boire un litre d’alcool mais on ne peut pas boire dix tasses de café».

De son côté, le designer Chuong Dang est en train de faire construire un café qui comportera 100 fenêtres. "Chaque fenêtre offrira un point de vue différent sur l’extérieur aux clients", a-t-il expliqué.

La conception du café de la poète Chiêu Anh se base sur ce que lui ont raconté ses parents des cafés d’autrefois. Elle aime les lumières jaunes, les chaises en bois élégantes et les coins de jardin floral parfumé.

Nguyên Duc Long, qui partage le même point de vue, a également expliqué que son café était un espace dédié à son père qui était un grand amateur de cette boisson. Il a ouvert un café buffet où le consommateur peut choisir ce qu’il aime, se préparer lui-même une tasse de café filtre et... humer à leur aise l’arôme du café.

Illumination spirituelle

«Le vin est le compagnon des poètes, le café celui des philosophes», a dit le chercheur en philosophie Bùi Van Nam lors d’une causerie sur le mouvement des Lumières.

À ce sujet, Nguyên Duc Lôc, fondateur du "Café des érudits" à l’École supérieure des sciences sociales et humaines (relevant de l’Université nationale de Hanoi), a expliqué : "Le café est un symbole du besoin de communiquer, de se rencontrer. Mon +Café académique+ est un lieu où l’on vient pour se rencontrer, échanger sur un sujet, un débat en cours de discussion, ou même sur de nouvelles tendances artistiques, sur une méthodologie scientifique controversée... C’est dans cet espace que le café se transcende et devient un symbole culturel".

Actuellement à Hô Chi Minh-Ville, de nombreux "Cafés samedi", "Cafés théâtre", "Cafés idées" voient le jour. Ce sont d’excellentes initiatives car les gens ont besoin de lieux pour pouvoir échanger, parler d’art, d’architecture, de nouvelles idées, de littérature, de philosophie... sans avoir nécessairement à se retrouver à l’université ou à la bibliothèque.

La poète Chiêu Anh, propriétaire d’un «café bibliothèque» dans l’arrondissement de Tân Bình (Hô Chi Minh-Ville), a exprimé : "Ça ne me dérange pas que les gens restent toute la journée dans mon café. Dès le début, j’étais déterminée à ouvrir un café librairie, non pas pour vendre des ouvrages comme dans d’autres boutiques, mais pour mettre les livres de ma bibliothèque personnelle à la disposition de tout le monde, au service de la culture de la lecture".

Un projet un peu fou et coûteux, mais son café, d’une superficie de seulement quelques dizaines de mètres carrés, abrite actuellement huit étagères, avec plus de 1.100 titres (700 exemplaires appartiennent à Chiêu Anh, les 400 livres restants ayant été donnés par ses amis et proches). –VNA