Face au développement du tout numérique, l’habitude de lire chez les Vietnamiens tend à se perdre. Mais qu’en est-il vraiment ? Une nouvelle façon de lire pourrait se développer avec l’e-book. Mais cette dernière engendre le problème des droits d’auteur.

«Avec Internet et les technologies numériques, il semble que la lecture ne soit pas aussi ancrée dans les moeurs qu’avant», observe le chercheur Nguyên Trung, inquiet de la nouvelle tendance qu’ont surtout les jeunes de passer leur temps libre devant les programmes télévisés et les contenus en ligne.

Aujourd’hui plus que jamais, Internet et les technologies numériques sont en pleine expansion au Vietnam. Une tendance à la modernité qui fait l’unanimité, et en particulier le bonheur des jeunes. On trouve désormais tout en ligne : informations, musique, théâtre, cinéma, sports, jeux et même littérature… À cela vient s’ajouter un grand nombre de programmes de divertissement télévisés. On se contente de profiter de cette amélioration de la vie culturelle, sans se soucier du fait que l’une des nos grandes habitudes, la lecture, se perd.

Les amateurs de livres ne manquent pas

Tout cela ne signifie pas qu’il n’y a plus de bibliophiles. «Loin d’être oublié, l’amour de la lecture persiste, chez les étudiants notamment», réplique Trân Ngoc Minh, étudiante de l’Institut de technologie et d’informatique de Hanoi. Elle est fière de sa propre bibliothèque composée de plus de 2.000 titres de genres et d’époques différentes. «J’aime lire depuis mon enfance. Mes livres représentent mon univers. Presque tout mon argent de poche m’a servi à en acheter. À présent, mes études m’obligent à utiliser Internet, et à utiliser un e-book, mais j’ai toujours l’habitude de fréquenter les librairies et bibliothèques publiques», confie-t-elle.
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Les livres restent omniprésents dans la vie des Vietnamiens. L’important, c’est de comment faire pour entretenir le plaisir de lire, notamment chez les jeunes.
Dô Luân, un entrepreneur de 36 ans, ne cache pas sa passion pour la lecture : «Le web est une énorme source d’archives en provenance du monde entier. Mais le livre est pour moi l’unique outil qui m’inspire réellement confiance». À Hô Chi Minh-Ville, la bibliothèque privée de Pham Thê Cuong, dans l’arrondissement de Go Vâp, est une adresse très fréquentée. C’est une maison à quatre étages dont deux ont été transformés en salles de lecture. Sur les étagères trônent plus de 22.000 titres divisés en 24 rubriques : littérature, histoire, géographie, sciences, technologies, etc.

Son propriétaire, Pham Thê Cuong, originaire de Hanoi, est un grand lecteur : «Dans mon enfance, j’ai dévoré tous les livres que je trouvais. J’ai toujours rêvé d’avoir une bibliothèque à moi. Inaugurée en 2005, elle est gratuite et ouverte tous les jours. Elle a maintenant plusieurs centaines de clients fidèles, notamment des jeunes». Et il révèle avec fierté son «trésor» : des livres anciens, dont des romans des années 1930, qu’il garde jalousement dans le grenier de sa maison. C’est lui qui a créé le club d’amateurs de livres Nguyên Huy Tuong.

Dans les villes, des foires aux livres et des fêtes de la lecture s’organisent régulièrement. Les visiteurs y sont pour la plupart des jeunes. «Un bon signe pour la survie de la lecture, celle-ci est vraiment une manière de vivre sa vie et de sublimer son âme», fait remarquer Nguyên Bich Lan, une traductrice de renom.

Cependant, une triste réalité persiste : les œuvres classiques se retrouvent en mauvaise position sur le marché des livres. Ce genre littéraire d’une valeur universelle cède la place aux livres de divertissement. «Face aux + best-sellers+, nombreuses sont les œuvres étrangères ayant reçu de grands prix littéraires qui ont du mal à trouver leurs lecteurs», se plaint le chercheur Nguyên Trung, lors d’un récent colloque tenu dans le cadre d’une Fête de la lecture, à Hanoi.

Des droits d’auteur menacés

La situation se dégrade encore avec l’apparition d’imprimeries illégales d’où sortent en abondance des «produits de contrebande» bon marché dont la qualité s’avère incontrôlable. À cela vient s’ajouter l’apparition grandissante de l’e-book, vivement apprécié pour son utilisation facile et son prix intéressant. On l’utilise à volonté, sans prêter attention à la question des droits d’auteur.

«Il est impératif de donner l’alerte sur la violation des droits d’auteur», insiste le docteur Nguyên Manh Hùng, directeur de la Compagnie de livres Thai Hà. Pour lui, c’est la responsabilité partagée entre agences compétentes (qui doivent interdir la publication des produits de contrefaçon) et les lecteurs (qui doivent les boycotter). Les statistiques du Département de publication des livres affirment qu’en 2011, plus de 27.000 titres sont sortis, totalisant presque 300 millions d’exemplaires, soit une augmentation annuelle de 7%. «Ainsi, les livres restent omniprésents dans la vie des Vietnamiens. L’important, c’est de faire du mieux possible afin d’entretenir le plaisir de la lecture, de sorte que celui-ci ne soit pas sacrifié à l’époque du numérique», souligne Nguyên Thi Thu Hà, directrice de la Maison d’édition de l’information et de la Communication.

Le chercheur Nguyên Trung conclut: «La lecture est le plus court chemin vers le savoir-vivre. Elle permet d’avoir plus de plaisir dans le travail, et d’être plus serein dans la vie. De toute façon, l’habitude de lire ne se perd pas, elle a juste besoin d’être réveillée». -CVN/VNA