Depuis des années, les habitants d’une ruelle de la rue Bùi Huu Nghia, dans l’arrondissement de Binh Thanh de Hô Chi Minh-Ville, s'habituent à indiquer à des étrangers le chemin allant chez Nguyên Vinh Bao, sans trop savoir qu’il s’agit d'un professeur de musique très connu dans nombre d’universités comme celles de La Sorbonne, de Washington ou de Kent.

À 94 ans, le maître Bao utillise couramment Internet sans besoin aucun d’une paire de lunettes. Il a un compte sur Skype et possède de tout l’équipement moderne pour travailler en ligne. Dans sa petite chambre, ses biens les plus précieux sont ses instruments musicaux, ses livres et dossiers sur la musique et de musicologie. Ses élèves sont de plusieurs nationalités, dont plusieurs ne sont plus jeunes non plus... Nguyên Vinh Bao parlant anglais, français, japonais, chinois, cambodgien ne s’en trouve aucunement perturbé, et possède une connaissance approfondie de la musique et de la composition de nombre de pays.

Mieux encore, il enseigne à distance, toujours grâce à Internet. Passé les toutes premières bases d’un instrument, il enregistre et envoie des morceaux à ses élèves avec tous les documents de référence nécessaire afin qu’ils les travaillent. Ceux-ci lui renvoient un enregistrement par email pour évaluation par le maître. De même, il guidera directement son élève en vidéoconférence sur Skype... Et il n’y a pas d’horaires de cours : il suffit de demander quelques heures à l’avance pour avoir un cours en ligne.

Le professeur Nguyên Vinh Bao est né en 1918 dans le village de My Trà, district de Cao Lanh de la province de Dông Thap (delta du Mékong). C’est son père qui l’a initié au jet d’instruments à cordes, pour se distraire. Par la suite, constatant l’intérêt de son fils, il lui interdit de jouer afin qu’il se consacre pleinement au programme scolaire «normal». Mais il est finalement revenu sur cette décision afin que Bao maintienne le niveau de son apprentissage de la musique.

Et finalement, c’est en 1938 que Nguyên Vinh Bao est devenu un professionnel de la musique. Sa maîtrise ? D’abord le dàn tranh (cithare à seize cordes), mais aussi dàn kim (luth en forme de lune), dàn gao (violon à deux cordes et à caisse de résonance hémisphérique), ty bà (luth à quatre cordes), dôc huyên câm (monocorde), outre des instruments occidentaux dont le piano, la guitare et la mandoline.

Dans les années 50, il défraie la chronique parmi ses pairs en modifiant le dàn tranh, de 16 cordes, pour lui en donner 17, 19 et 21 cordes... Une initiative expérimentale qui finalement sera reçue... Aujourd’hui, nul ne le conteste, et le professeur Trân Van Khê dit lui-même que «le professeur Nguyên Vinh Bao est un grand maître des arts de la musique traditionnelle du Sud. Le son qu’il tire des instruments à cordes est plus doux, plus profond et plus beau que celui des autres». - AVI