La Bourse du Vietnam, composante essentielle du secteur de la finance du pays et grand pourvoyeur de capitaux au service du développement national, va faire l’objet d’une restructuration générale dès début 2013.

Le Premier ministre Nguyên Tân Dung vient, en effet, de signer une décision adoptant le plan de restructuration de la Bourse du Vietnam et des entreprises d’assurance.

Développement rapide

La Bourse vietnamienne a déjà 12 années d’activité derrière elle, durant lesquelles son développement a été constant. De deux compagnies cotées au premier marché en 2000, elle en comptait 1.690 à la fin de ce deuxième trimestre dont 705 compagnies faisant appel à l’épargne publique sur le premier marché, et 130 autres sur le marché UPCoM - celui des entreprises non cotées, ce au sein des deux centres de transactions du pays, le HNX à Hanoi et le HoSE à Hô Chi Minh-Ville.

Depuis sa création, elle a permis de mobiliser près de 650.000 milliards de dôngs dans le pays et environ 10 milliards de dollars à l’étranger. Côté acteurs professionnels, même constat... Mis à part les 47 Fonds de gestion de capitaux et 23 Fonds d’investissement en bourse dont 17 privés et 6 ouverts au public, ce sont 105 sociétés boursières qui sont enregistrées, contre 2 au début. C’est en fait à une véritable explosion à laquelle le marché a assisté ces quelques dernières années. Aujourd’hui, elles possèdent un total de 135 agences comprenant 73 salles de transmission d’ordres et gèrent 1,2 million de comptes de bourse, soit 12.000 de plus que fin 2011...

Les difficultés persistent

Malgré la difficile conjoncture économique au Vietnam comme dans le monde depuis un peu plus de trois ans déjà, la Bourse a toujours abouti à d’encourageants résultats, estime le ministre des Finances, Vuong Dinh Huê. Mais aujourd’hui elle doit passer à une nouvelle phase de son développement, et ce pour des raisons de plusieurs ordres.

De manière générale, l’attention constante du ministère des Finances est de s’assurer que le marché boursier soit et demeure un instrument de mobilisation de capitaux pour l’économie nationale sur le moyen comme le long terme, a insisté le ministre Vuong Dinh Huê. Ce marché doit être d’autant plus durable qu’il participe - directement et indirectement - à l’établissement d’un certain nombre d’indicateurs macroéconomiques dont il dépend, seuls de bons indicateurs pouvant assurer une bonne croissance des marchés financiers.

Ensuite, depuis la création de la Bourse vietnamienne, une crise financière internationale est passée et l’économie mondiale s’en ressent toujours. La conjoncture actuelle milite donc en faveur d’une restructuration qui est jugée indispensable par tous les spécialistes. Elle permettra d’engager une reprise des marchés financiers au Vietnam qui connaissent un certain marasme aujourd’hui, lesquels à leur tour participeront à la relance de l’économie nationale, considère le président du HoSE, Trân Dac Sinh. Et d’ajouter que la réorganisation institutionnelle du marché boursier est inévitable si l’on veut qu’il joue pleinement son rôle. Enfin, les pratiques profes-sionnelles font également conclure à la nécessité d’une réorganisation, plus particulièrement celle des sociétés de bourse.

Mesures de restructuration

Le gouvernement a adopté une stratégie de développement de la Bourse pour 2020 portant sur tous les aspects de ce marché. Pour en assurer la stabilité, le Premier ministre Nguyên Tân Dung a enjoint le ministère des Finances de la lancer immédiatement, en coordination avec la Banque d’État du Vietnam, en envisageant un groupe de neuf mesures devant être prises et appliquées concomitamment.

Parmi les plus importantes, l’amélioration du cadre juridique dans le sens d’un renforcement de la gestion et du contrôle, avec l’élaboration d’une nouvelle loi sur la Bourse afin d’être soumise à l’Assemblée nationale d’ici 2015 ; le développement des gammes de produits financiers, en parallèle à celui de marchés d’obligations gouvernementales comme d’entreprises ; ou encore une diversification des acteurs de l’investissement, en privilégiant par exemple l’attrait durable des investisseurs étrangers.
C’est donc dès début 2012 que le ministère des Finances a commencé à élaborer plusieurs plans pour la restructuration de la Bourse vietnamienne, les sociétés de bourse, les compagnies d’assurances et autres institutions financières.

C’est le plan de restructuration de la Bourse vietnamienne qui vient de faire l’objet de cette décision 1826 du Premier ministre. Conformément à la stratégie précitée, il a pour ambition de lui donner pleinement les moyens de tenir son rôle privilégié de mobilisation et de circulation de capitaux pour l’économie nationale, avec un objectif de taux de capitalisation de 70% du Produit intérieur brut d’ici 2020.

Sur le plan institutionnel, le point le plus significatif réside dans la fusion des services de transactions de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville. Sur leur base sera créé en 2015 le Service national de transactions boursières du Vietnam.

Cette opération répond à une logique de centralisation des activités boursières afin de conférer à ce marché une réelle efficience, plus rien ne justifiant en l’état le maintien de deux organismes distincts fonctionnant indépendamment. Elle permettra en outre et surtout une mise en conformité aux normes et aux pratiques internationales. Un point essentiel mis en avant par le Comité d’État de la Bourse, à commencer par les modalités des transactions, en vue de permettre un accroissement des flux de capitaux sur le marché, selon son président Vu Bang.

Ce Service national de transactions boursières du Vietnam, organisme public comme ses futurs prédécesseurs, fera par la suite l’objet d’une actionnarisation afin de lui en faire bénéficier des avantages connus d’une telle opération, toujours dans l’optique de mobiliser davantage de capitaux.
Assainissement du marché

Par ailleurs, le Centre de consignation des actions en bourse demeurera en place, mais fera l’objet d’une modernisation. Celle-ci a vocation à permettre la mise en place d’une future connexion avec ses homologues et services de transactions des pays membres de l’ASEAN. Une intégration qui s’impose ici non seulement au regard des pratiques internationales mais aussi dans la perspective de la fondation en 2015 de la Communauté de l’ASEAN.

Enfin, s’agissant des normes et pratiques internationales, ils devront tous répondre à trois principes cardinaux que sont sécurité financière, estimation des risques et administration d’entreprise. Mais les tâches les plus importantes concernent les acteurs du marché de la bourse.

Le renforcement des capacités des intermédiaires et organisations auxiliaires de la Bourse est également prévu par la stratégie pour 2020 et le plan du ministère des Finances comme par les mesures prévues par le Premier ministre. De fait, ce sont les sociétés de bourse qui sont principalement visées.

Pour ces dernières, le plan de restructuration a plusieurs objectifs. Sur le long terme, il s’agit de relever leur surface financière, la qualité de leur administration et la gestion prudentielle des risques. Mais dans l’immédiat, il s’agit aussi de tirer les conséquences de la situation présente.

En effet, nombre d’entre elles, de petite envergure, ne répondent pas aux critères prudentiels et présentent des risques pour le système financier national. De fait, «le Comité d’État de la Bourse a en ligne de mire 20 sociétés nécessitant une restructuration d’urgence», souligne le Docteur Nguyên Son, chef du Département de développement du marché du Comité d’État de la Bourse.
En outre, «elles sont beaucoup trop nombreuses au regard du stade de développement du marché vietnamien», ajoute Vu Bang. Et les spécialistes considèrent qu’il faudrait en limiter le nombre à 20 ou 30 qui soient en mesure d’assumer les compétences nécessaires en ce domaine comme de fonctionner en pleine transparence.

Une telle restructuration dans le sens d’une limitation est d’ailleurs conforme à la pratique internationale, y compris dans la région où des précédents existent. Ainsi, en Chine, 74 sociétés de bourse ont subsisté après une telle opération, alors qu’elles étaient 2.000 auparavant...

Respect des normes internationales

Le processus défini par le plan comprend deux phases sur le court terme. La première privilégie le traitement des sociétés exposées à de trop grands risques en termes de gestion prudentielle. Les contrôles des sociétés de bourse ont été renforcés et des audits sont actuellement en cours afin d’identifier d’ici fin 2012 celles qui sont trop faibles. Celles-ci seront invitées et, à défaut, contraintes de prendre les mesures idoines pour renforcer leurs capacités financières.

La seconde phase consistera à isoler les dettes, à céder les mauvais avoirs et à limiter le champ d’activité de ces dernières afin de limiter les risques, phase qui implique des mesures tant administratives qu’économiques. En 2013 également, toute l’attention sera portée au respect des normes internationales.

Enfin, à moyen terme c’est-à-dire dans les deux ans, la restructuration sera généralisée aux autres sociétés de bourse afin d’améliorer la sécurité financière. Il faut relever ici que cette restructuration diffère de celle mise en oeuvre pour le système bancaire qui repose d’abord sur l’initiative des banques concernées. En revanche, la restructuration des sociétés de bourse répond exclusivement au respect des normes prudentielles...

Toujours selon le président du Comité d’État de la Bourse, Vu Bang, la restructuration ne soutient pas spécifiquement les sociétés importantes, elle « a pour objet le respect des normes de sécurité financière conformément à la pratique internationale qui repose sur trois piliers, la sécurité financière, l’estimation des risques et l’administration de l’entreprise ». Le Vietnam disposera alors d’un outil de financement de son développement socioéconomique à la hauteur des tâches à mener. - AVI