Huu Phong, un enseignant mordu de culture Ba Na
Il est né et a grandi
dans la province de Hung Yên (Nord). Mais c’est à Huê (Centre) qu’il a
fait ses études à l’École secondaire de pédagogie. Une fois diplômé en
1986, le jeune Lê Huu Phong, alors plein d’enthousiasme, a été envoyé à
Kon Chiêng, une commune du district de Mang Yang, province de Gia Lai
(hauts plateaux du Centre). Il est devenu ainsi enseignant dans cette
localité reculée, un lieu tellement difficile que nombre de ses
confrères, dont le directeur adjoint de l’école, ont dû abandonner leur
poste.
Un nouveau modèle éducatif
«Au
moment où j’ai commencé mon travail d’enseignement, Kon Chiêng manquait
gravement d’enseignants», partage Lê Huu Phong. C’est ainsi que, malgré
son jeune âge et sa méconnaissance de la langue Ba Na, il a été nommé
directeur du collège de Kon Chiêng. Une école vétuste, qui avait peu
d’élèves. «Frustré, j’ai voulu tout arrêter», confie-t-il. Le hasard
jouant en sa faveur, Lê Huu Phong a rencontré un vieil enseignant qui
lui a appris la langue locale. Au fil du temps, le jeune s’est pris de
passion pour la culture Ba Na et a décidé de rester à Kon Chiêng.
Investi
dans son travail, l’enseignant a proposé que ses élèves soient nourris
chez l’habitant pour leur permettre d’aller en cours toute la journée.
Une initiative d’emblée acceptée par M. Zek, alors secrétaire de
l’organisation du Parti de la commune : «Continuez de vous impliquer
comme vous le faites et ne vous inquiétez pas de l’alimentation ! La
commune mobilisera chaque famille». Un peu plus tard, deux grands
entrepôts du riz ont ainsi été construits au collège. «Dix-neuf élèves
ayant suivi ce modèle sont devenus des cadres actifs de la commune et du
district», affirme-il fièrement.
La culture Ba Na au programme scolaire
En
dehors des heures d’enseignement, cet homme part régulièrement en
vadrouille dans le district pour en apprendre plus sur les us et
coutumes des minorités ethniques. Les chansons folkloriques, les
informations sur la fête de l’abattage du buffle, la cérémonie «bỏ mả»
(l’abandon de la tombe, ancien rite funéraire consistant à rompre le
lien entre les vivants et le défunt quelques années après sa mort), la
fête de la nouvelle récolte du riz…, tout l’intéresse. «J’ai déjà porté
le langouti et joué du gong lors de fêtes», assure-t-il.
M. Phong (droite) apprend le gong à des élèves de l’École-internat de Mang Yang.
Actuellement
directeur de l’École-internat de minorités ethniques du district de
Mang Yang, Lê Huu Phong s’intéresse toujours de près à la culture Ba Na.
En 2008, il a publié un lexique de référence vietnamien-bana. Un texte
très utile pour les gens en mission dans le Tây Nguyên, ainsi que pour
les chercheurs en anthropologie ou en sociologie. Plus tard, il s’est vu
confier la rédaction générale d’un document d’apprentissage de la
langue Ba Na pour l’École normale supérieure de Gia Lai.
Dès
sa nomination au poste de directeur d’école il y a quelques années, Lê
Huu Phong a collecté des fonds pour acheter un ensemble de gongs. Puis,
il a invité des artistes à apprendre à ses élèves à en jouer. «Nos
budgets sont limités. Les artistes de gongs initient donc les élèves de
la 9e classe (correspondant à la dernière année du collège - NDLR), qui
l’enseignent ensuite aux plus petits», confie-t-il. Bien que créée
depuis peu, la troupe de gongs de l’École-internat de Mang Yang est
connue dans l’ensemble de la province de Gia Lai et présente dans les
fêtes locales. «Pour que les élèves soient plus conscients de la
nécessité de préserver les valeurs culturelles de leur ethnie, j’ai
souvent organisé des concours de chant folklorique dans l’école»,
ajoute-t-il.
Depuis 1986, cet enseignant a
aussi collecté des centaines d’objets de grande valeur culturelle, dont
40 gongs. Parmi eux, deux ensembles de plus de 100 ans.
«Je
me promets de consacrer toute ma vie à la transmission à mes élèves des
valeurs traditionnelles des minorités ethniques du Tây Nguyên». C’est
en ces termes que Lê Huu Phong «résume» sa carrière d’enseignant. -VNA