Hà Thi Câu, considérée comme un trésor de l’art folklorique national, s’est éteinte le 3 mars dernier, à l’âge de 92 ans, laissant orphelins tous les passionnés de cet art vocal. La radio la Voix du Vietnam lui a rendu hommage.

Hà Thi Câu chantait le Xâm dès son plus jeune âge. Tout au long de sa vie, cette femme au visage tendre sut maintenir intact sa passion pour le Xâm ; elle chantait en fredonnant et s’accompagnait d’une viole à deux cordes. Ce fut elle qui porta cette pratique artistique originale vietnamienne aux nues. Hà Thi Câu, considérée comme un trésor de l’art folklorique national, s’est éteinte le 3 mars dernier, à l’âge de 92 ans. La première chanteuse de Xâm laisse orphelins tous les passionnés de cet art vocal.


Si vous l’écoutiez, vous ne pourriez imaginer qu’il s’agit de la voix d’une femme âgée de plus de 90 ans ! Hà Thi Câu a marqué notre mémoire : la vieille dame au chapeau conique, une serviette sur l’épaule, un visage ridé et des yeux vifs qui semblaient toujours fixer le lointain. Des petites veines bleues apparaissaient sur sa main quand elle jouait de la viole à deux cordes - le Nh ị - un instrument musical traditionnel. Elle jouait du Nh ị , tout en chantant les airs de Xâm et vice versa… sa musique était mélodieuse, confidentielle, ensorcelant l’auditoire.


L’artiste Hà Thi Câu (de son vrai nom Ha Thi Nam) naquit en 1921 dans le district de Y Yen, province septentrionale de Nam Dinh, dans un « cocon familial ». Avant elle, trois générations vécurent du Xâm. Après le décès de son père, la petite Ha Thi Nam et sa mère retournèrent vivre dans le village de Quang Phuc, dans le district de Yên Mô, de la province de Ninh Binh.

Dès l’âge de 8 ans, elle suivait sa mère dans les marchés de campagne en chantant des airs de Xâm - ce chant folklorique original qui leur permettait de rapporter quelques sous. Dès lors, ces chants accompagnés des sons de la viole ne quittèrent jamais Hà Thi Câu pendant près d’un siècle durant. Elle était illettrée et elle mémorisait tout… des centaines de vers appris par cœur. C’est de cette façon-là que le Xâm pénétrait dans son être, son âme.

Puis, elle fut capable d’improviser comme ça, spontanément, à n’importe quel moment... Le Xâm est donc un art original du trésor musical traditionnel du Viet Nam. Mais durant une longue période, cet art était rattaché à l’image des aveugles qui vagabondaient dans les rues en chantant pour mendier de la nourriture…

Certains musicologues estiment pourtant que ce n’est qu’en écoutant l’artiste Hà Thi Câu que l’on peut saisir toute cette originalité et l’âme du Xâm. « Ce fut un génie. Il n’y a pas d’autre mot pour la qualifier ! C’est incroyable, la vitalité de ses airs reste intacte au fil du temps ! » a estimé l e compositeur Thao Giang qui a ajouté : « Le Conservatoire national peut former des chanteurs ou des musiciens qui maitrisent des instruments, mais madame Câu savait faire beaucoup plus : elle jouait de la viole à deux cordes tout en frappant avec ses claquettes et en chantant des airs de Xâm qu’elle composait. En plus, elle était capable de se produire n’importe où et à chaque fois, elle était applaudie ! Elle était l’incarnation même du Xâm ».

C’est ainsi que l’artiste Hà Thi Câu ensorcelait son auditoire. Et en l’écoutant, de nombreux jeunes succombèrent au charme du Xâm, hypnotisés par la voix de Hà Thi Câu et plusieurs musiciens cherchent à apprendre cette tradition vocale auprès d’elle…

 Le cinéaste Luong Dinh Dung mit plusieurs années à réaliser son film documentaire «Red Xâm» qui retrace la vie de l’artiste Hà Thi Câu. Après de nombreuses rencontres et plusieurs tournages, il réussit à percer en elle le secret de sa vie, et de l’histoire nationale…

Chaque air, chaque verset est porteur d’une philosophie : « Le Xâm est une forme musicale rare. L’artiste Hà Thi Câu a vécu des hauts et des bas dans sa vie qui dura près d’un siècle. On le ressent dans ses chants. A travers elle, on peut revivre toute une période de l’histoire nationale, par exemple, comment les chanteurs du Xâm furent traités sous l’ancien régime… », a souligné Luong Dinh Dung.

De son vivant, l’artiste Hà Thi Câu reçut plusieurs prix et récompenses : satisfecit de la radio nationale La Voix du Viet Nam, prix spécial de la province de Ninh Binh lors du Festival national du théâtre classique du Vietnam, titres «Artiste de folklore» et «Artiste émérite» reçu en 1993… En plus, en 2008, Hà Thi Câu obtint le prix Dào Tân, pour ses contributions à la préservation des arts traditionnels vietnamiens. – AVI