À 17 heures 30, le 7 mai 1954, le général de Castries et tout son état-major dans le camp retranché de Diên Biên Phu étaient faits prisonniers. La totalité des forces ennemies s’étaient rendues. Ainsi, après 55 jours et nuits de combat ininterrompus, la campagne de Diên Biên Phu se clôturait par la victoire totale du côté vietnamien. Ce grandiose moment historique est bien décrit dans les mémoires " Diên Biên Phu - le rendez-vous de l’histoire" du général Vo Nguyên Giap. En voici un extrait.

À 15 heures, fut lancé l’Ordre du Commandement du front aux divisions: "Commencer immédiatement l’offensive générale de Muong Thanh. Inutile d’attendre la nuit. La division partant de l’Est, en coordination avec celle de l’Ouest, doivent marcher tout droit sur le P.C. Attaquer en force, faites un encerclement rigoureux. N’en laissez échapper aucun, de Castries compris".

Sur le champ de bataille, la compagnie 360 du bataillon 130, en compagnie du commissaire politique Trân Khai, se trouvait déjà sur la position fortifiée 508. Après un échange avec le commissaire politique Trân Quai, le chef adjoint du bataillon 130 Ngô Trong Bao demande à la 154 de mettre le cap sur la position fortifiée 509, la dernière, chargée de protéger le pont Muong Thanh. En même temps, la 360 de Ta Quôc Luât reçoit l’ordre de progresser vers le secteur central en franchissant le pont Muong Thanh sous la menace des mitrailleurs ennemis. Vu l’absence de résistance des forces adverses, Ta Quôc Luât ordonne à ses hommes de quitter les tranchées, pour se diriger en toute hâte, sous le guide d’un soldat ennemi, et par un raccourci vers le P.C de De Castries.

Selon les informations fournies par divers postes d’observation, nos forces armées sont en train de lancer des attaques contre le secteur central, depuis trois directions: de l’Est, l’unité 312 progresse par le pont Muong Thanh, de l’Ouest, la 308 se fraie un chemin à travers l’aérodrome et du Sud-Ouest, un autre passe par Lili en direction du P.C de De Castries. En général, la résistance est sporadique. Plusieurs groupes de soldats ennemis se sont rendus. À Muong Thanh, on remarque un nombre croissant de drapeaux blancs. Le général Hoàng Van Thai ne cesse de rappeler à toutes les unités l’ordre de resserrer l’étau et de ne laisser échapper aucun adversaire.

À 17 heures 30, la division 312 rapporte: "La totalité des forces ennemies du secteur central se sont rendues. De Castries a été fait prisonnier".

La forêt abritant le commandement du front, jusqu’alors gardée très secrète semble, tout à coup, trembler. Cadres et soldats, tout le monde saute de joie. On s’embrasse, danse, crie comme des enfants.

Cependant, la joie tarde à m’envahir. Je suis encore hanté par cette question "est-ce vrai qu’on a capturé De Castries, alors qu’à Hông Cum, 1.500 soldats ennemis étaient encore cantonnés ?

De Muong Thanh, les unités envoient à peu près le même message: les soldats ennemis ont capitulé en masse. Quelques uns ont chanté. Nos soldats, eux aussi, sont sortis de leurs ouvrages de défense pour chanter et danser. Plusieurs ont lancé en l’air ou tiré des fusées, en guise de victoire.

Le commandement de la campagne décide alors de donner à toutes les unités l’ordre suivant : "Le combat n’est pas encore terminé. Que tout le monde revienne à sa position de combat. Faites en sorte qu’aucun ennemi ne s’échappe. Utilisez le système des haut-parleurs pour appeler les forces ennemies à se rendre puis guider leur reddition. Ce qui il faut leur dire: "Rendez-vous! Vous serez traités comme il faut. Arborez un drapeau blanc et marchez en ordre. Interdit de détruire les armes et munitions. Quiconque porte encore son fusil, pointez les en bas."

Alors, je demande à Lê Trong Tân:
- De Castries a été fait prisonnier, vous en êtes sûr ?
- C’est bien ce qu’ont rapporté nos soldats.
- Sur quoi repose votre affirmation ?

Silence, du côté de M. Tân

Il faut capturer à tout prix De Castries, disais-je, ajoutant que pour éviter une éventuelle substitution, il est nécessaire de procéder à son identification en se référant à sa carte d’identité, à son grade, etc.

Ensuite, sur mon ordre, un cadre à bord d’une jeep est envoyé à la recherche d’une photo de De Castries.

À ce moment, selon le rapport de MM. Lê Chuong et Nam Long, à Hông Cum, l’ennemi manifeste l’intention de faire une percée pour fuir vers le Laos. Sur l’ordre du Commandement du front, la division 308 envoie une unité en renfort à Hông Cum pour poursuivre, de concert avec la 304, les fuyards.

Dans les environs, règne toujours le même vacarme. Il est impossible de comprimer la joie de tout le monde. Pour rendre le poste de commandement moins bruyant, les gardes n’ont pas d’autres choix, que d’en fermer les fenêtres.

Après avoir demandé à l’unité 312 de faire le plus tôt possible un rapport détaillé sur la capture de De Castries, je reste là à attendre. Chaque minute passée, c’était long comme un siècle. Enfin, Lê Trong Tân me téléphone pour confirmer la nouvelle tant attendue. De Castries, au moment de sa capture, portait encore son galon. Sa signature a été vérifiée.

Pour en être plus sûr, je demande encore à Lê Trong Tân s’il a vu de ses propres yeux De Castries. D’un ton joyeux, il me précise que De Castries en chair et en os et tout son état-major se trouvent devant lui, etc.

Alors, je rédige un message informant le Comité central du Parti et le gouvernement de la victoire totale de nos forces armées à Diên Biên Phu

À minuit, Lê Chuong m’informe par téléphone que toutes les forces ennemies à Hông Cum, y compris Lalande, commandant en chef adjoint du camp retranché et chargé du sous-secteur de Hông Cum ont été faits prisonniers.

Ainsi, après 55 jours et nuits d’un combat acharné, la campagne de Diên Biên Phu s’est achevée par la victoire complète de notre peuple et de nos forces armées.

Je m’allonge sur un matelas fait d’herbe à paillote, sans parvenir à fermer les yeux. À cette heure, sans doute, la bonne nouvelle est-elle déjà parvenue à l’Oncle Hô et à tout le Comité central du Parti. Demain, nos forces armées recevront certainement une lettre de félicitations de l’Oncle Hô. Et Pham Van Dông, déjà présent à Genève, aura une nouvelle position à la conférence. Une telle nouvelle est également attendue avec impatience par nos camarades soviétiques et chinois, etc.

Le drapeau national a été ainsi levé haut sur le champ de bataille historique. Le plan Navarre est parti en fumée. Un changement va s’opérer à coup sûr dans les rapports de force. Et après Diên Biên Phu? J’ai passé presque une nuit blanche, excité par la joie de la victoire. - VNA