À 39 ans, Huynh Phuong Do consacre toutes ses journées à façonner des statues de Bouddha à partir de souches de bambou. Depuis qu’il se pratique la sculpture, il se sent plus posé, plus tolérant et plus calme face aux aléas de la vie.


Né au bord de la romantique rivière Hoài, Huynh Phuong Do a eu une enfance marquée du sceau de la pauvreté. La vieille ville de Hôi An, province de Quang Nam (Centre), était en effet alors encore très peu connue. Dès son plus jeune âge, le garçon a dû pratiquer différents petits boulots pour aider ses parents à entretenir sa famille. À 17 ans, il prend conscience de la nécessité d’avoir un vrai métier pour gagner sa vie et s’oriente vers la sculpture sur bois - un métier plutôt répandu à Hôi An en ce temps-là.


Sorti de l’apprentissage, Huynh Phuong Do se trouve de nouveau face à de nouvelles difficultés : il n’a pas de capital pour monter sa propre entreprise et, même s’il y parvenait, le novice qu’il serait n’aurait que très peu de chances de pouvoir résister à la concurrence, dans le contexte où le marché de la sculpture sur bois de Hôi An à l’époque des villages s’en tient alors à des villages de métier et était accaparé par des sociétés de renom.


Son mariage à 25 ans amène des changements à sa vie. Pour entretenir son foyer, le jeune homme se fait vendeur de banh chung (pains de riz gluant). Tout vient à point à qui sait attendre ! Pendant la saison des crues, il y a sept ans, impossible de sortir travailler, il se tient debout à regarder la rivière Hoài rouler des eaux boueuses et tourbillonnantes au pied des habitations. Au milieu des eaux en furie, les pieds de bambou qui apparaissent et disparaissent en flottant lui évoquent sa vie ô combien compliquée. Ainsi, lui vient à l’esprit l’idée de fabriquer des statues à partir de ces souches de bambou.


La rivière assagie Phuong Do part ramasser lui-même des pieds de bambou le long de la rivière Thu Bôn (en amont de la rivière Hoài). "À ce moment-là, l’idée était à peine venue, l’argent me faisait toujours défaut, j’ai dû me débrouiller seul pour sortir ces pieds de bambou de l’eau avant de les ramener chez moi", confie-t-il.


Au début, scier et percer sur ce matériau est très difficile pour le jeune homme qui ne travaille jusqu’alors que sur du bois «classique». Mais peu à peu, les statues de Bouddha et autres prennent forme, polies et embellies de jour en jour. "Lorsque j’ai eu un certain nombre de commandes, j’ai décidé d’aller chercher dans d’autres régions ces pieds de bambou pour une production en grande quantité. Voilà, ça fait déjà sept ans…", se souvient-il.


Avec le temps, Phuong Do ressent une attirance de plus en plus irrésistible pour ces pieds de bambou flétris. Ses travaux ne sont plus motivés par la nécessité financière mais par la passion créative. Autre fois motivée uniquement par l’aspect pécunier, la sculpture des statues de Bouddha à partir de pieds de bambou finit par faire de lui un artiste. Des œuvres d’art uniques naissent de ses mains devenues expertes.


Aujourd’hui, sa boutique de statues (quartier de Tân Thinh, arrondissement de Câm Nam, Hôi An) accueille chaque jour une centaine de clients et de visiteurs, dont beaucoup sont étrangers. Les œuvres d’art y sont d’une inspiration variées, des Bouddha : Siddhārtha Gautama, Bouddha Amitābha, Bodhidharma, Bouddha Maitreya… jusqu’à de grandes figures, de poètes et d’écrivains du pays comme Monsieur le Paresseux (le médecin Lê Huu Trac). Belles et vivantes, ces créations se vendent à un prix raisonnable, de 150.000-250.000 dôngs. Du coup, de nombreux commerçants et amoureux d’art viennent régulièrement lui en commander en grande quantité, surtout ceux des provinces du Sud, Hô Chi Minh-Ville en particulier. Les touristes étrangers se montrent aussi intéressés par ces produits originaux qu’ils ramènent comme souvenirs ou cadeaux. Sept ans se sont écoulés depuis la crue providentielle, et des milliers de statues de Bouddha se sont ainsi répandues dans le pays et dans le monde.


Propriétaire d’un établissement qui, s’il ne jouit pas encore d’une aura de prestige, reste néanmoins satisfaisant, d’une marque connue et unique dans le marché de la sculpture, Huynh Phuong Do reste en proie à des tourments, parmi lesquels celui de trouver quelqu’un à qui transmettre son métier. Nées de cette plante emblématique du pays qu’est le bambou, ces œuvres d’art portent une âme culturelle, une volonté spirituelle de la population vietnamienne auxquelles rien ne pourrait se comparer. La sculpture sur les souches de bambou ne se limite pas à donner une forme de vie à ces morceaux de plante flétris mais, à travers ces statues de Bouddha, à semer la confiance et à laisser le calme gagner les esprits pour un monde paisible et serein. -VNA