Dak Nông (VNA) – Dans le hameau de Nam Xuân, province de Dak Nông, un cours d’alphabétisation du soir est organisé en faveur des femmes issues d’ethnies minoritaires. Âgées de 35 ans au minimum, elles étudient le vietnamien avec sérieux et volonté.

Des femmes suivent des cours du soir pour y voir plus clair hinh anh 1Dans un cours de la classe «trois zéros». Photo : DT/CVN

Il y a bien longtemps que la nuit est tombée et que les élèves ont regagné leurs pénates. Pourtant, une classe de l’école primaire Lê Loi (commune de Nam Xuân, district de Krông Nô, province de Dak Nông - Hauts Plateaux du Centre) est encore allumée, avec des élèves bien plus âgés que la journée.

L’école héberge une classe d’alphabétisation pour une trentaine de femmes, âgées de 35 ans au minimum et provenant de groupes ethniques minoritaires de la commune - comme Thai, Tày et Dao - qui communiquent habituellement par le biais de leur langue ethnique et non en vietnamien.

Une classe «trois zéros»

Cette classe est surnommée «trois zéros», car ici, les apprenantes ne payent pas de frais de scolarité, les enseignants ne perçoivent aucune rémunération et il n’y a pas d’hommes. La benjamine a 35 ans, tandis que d’autres sont déjà grands-mères. Cependant, une fois sur les bancs de l’école, toutes ces considérations sociales sont mises de côté pour profiter pleinement de leur statut d’«étudiantes», pour la première fois de leur vie.

Luong Thi Khuyên, 43 ans, est la dernière à avoir rejoint les rangs. Son explication «J’ai trop dormi» a fait s’exclaffer tout le monde. Plus sérieusement, Mme Khuyên est une étudiante un peu spéciale, elle qui a rejoint la classe il y a deux mois, à l’insu de son mari.

Des femmes suivent des cours du soir pour y voir plus clair hinh anh 2Ces femmes montrent qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre. Photo : DT/CVN

Lorsque les enseignantes de l’école sont venues chez elle pour l’inviter à participer à ce cours, son mari a coupé court à la conversation, de peur qu’il y ait aussi des hommes. «Il m’a dit qu’il m’enseignerait à la maison, mais j’ai décidé d’aller à l’école car il n’est pas meilleur que moi ! J’ai assisté au premier jour de la classe sans rien lui dire», raconte-t-elle. Le deuxième jour, il m’a suivie secrètement. Mais quand il a vu que tous les apprenants étaient des femmes, il a rebroussé chemin. Maintenant, il ne dit plus rien. Il me conduit même à la classe».

Luong Thi Khuyên, originaire de la région Tây Bac (Nord-Ouest), n’a jamais eu la chance de fréquenter l’école enfant. D’une part parce qu’elle était une femme, et d’autre part en raison de l’extrême pauvreté dans laquelle se trouvait sa famille. Après s’être mariée et avoir déménagé dans cette province des hauts plateaux du Centre, elle était trop occupée à gagner sa vie et s’occuper de ses enfants pour ne serait-ce que songer à apprendre à lire et à écrire.

Les choses ont changé il y a trois mois environ lorsque l’Association des femmes de la commune a vérifié le nombre de personnes analphabètes vivant ici. Vi Thi Niêm, 47 ans et déjà grand-mère, est l’aînée de la classe. Même si elle éprouve, selon ses dires, plus de difficultés à absorber les connaissances que ses camarades, elle n’abdique jamais. Savoir lire et écrire a été son rêve pendant très longtemps !

«Nous n’étions jamais allées à l’école. Pour les formalités administratives, nous apposions simplement notre empreinte digitale sur les papiers en guise de signature. Même avec l’acte de naissance de nos enfants, nous avons dû demander à une autre personne de nous aider, explique Mme Niêm. Je suis très contente de pouvoir lire et écrire. C’est comme si j’avais encore 9 ou 10 ans !».

Deux mois après le premier cours, les participantes connaissent l’alphabet et commencent à savoir écrire.

Quatre séances par semaine

Lê Thi Tuyêt, directrice adjointe de l’école primaire Lê Loi, est l’initiatrice de cette classe d’alphabétisation. L’idée lui est venue suite à une conversation avec une de ces femmes. «Au cours de notre entretien, j’ai remarqué qu’elle tâtonnait avec son téléphone. Elle m’a ensuite révélé qu’elle ne savait pas lire et avait du mal à utiliser le téléphone, partage Mme Tuyêt. Elle m’a également dit que beaucoup d’autres femmes dans son hameau étaient dans cette situation et souhaitaient aller à l’école. C’est ainsi que l’idée a germé».

Une idée soutenue par la Direction de l’école, le Comité populaire de la commune de Nam Xuân et le Bureau de l’éducation du district de Krông Nô. Une semaine plus tard, la classe d’alphabétisation ouvrait ses portes. Deux enseignantes de l’école primaire Lê Loi sont chargées de cette classe particulière avec un programme spécialement conçu pour s’adapter à ces élèves un peu particuliers, à raison de quatre séances hebdomadaires. «Bien que bénévoles, nous nous engageons à faire le travail avec tout notre cœur et notre enthousiasme», affirme Lê Thi Thuy Vân, une des deux enseignantes.

En 20 ans, Mme Vân n’a jamais eu une telle classe entre les mains. «Ces femmes, très réservées, hésitent énormément à s’exprimer en classe, confie l’enseignante. Nous devons les encourager comme si elles étaient des enfants. Surtout, en face d’elles, nous n’appellerons jamais cela une classe d’alphabétisation , mais une classe pour améliorer la maîtrise de la langue vietnamienne».

La directrice adjointe de l’école primaire fait savoir que de nombreuses femmes ayant manqué la première classe avaient demandé à l’école d’en ouvrir une deuxième pouvant accueillir près de 30 étudiantes. D’après elle, son établissement va demander aux autorités locales la permission d’ouvrir plus de cours dans chaque hameau pour faciliter la participation des femmes locales et ainsi répandre ce savoir indispensable : lire et écrire. – CVN/VNA