De petite association sur l’ancien alphabet vietnamien, le cours de Hán Nôm créé en 2006 à Dà Nang (Centre) s’est transformé en septembre dernier en Centre de traduction. Il a retrouvé des documents du XIX e siècle attestant l’appartenance des archipels Paracel et Spratly au Vietnam.

Comme chaque 1 er et 15 e jours du mois lunaire, la maison de l’ancien colonel Huỳnh Phuong Bá, située rue Trung Nu Vuong (arrondissement de Hai Châu, à Dà Nang), accueille de nombreuses personnes âgées. La plupart sont des cadres retraités, l’aîné vient d’avoir 88 ans. Cette rencontre bimensuelle permet à ces seniors d’échanger leurs connaissances respectives sur le Hán Nôm, les idéogrammes sino-vietnamiens.

Il y a d’abord cet homme, l’ancien colonel, 85 ans. Lorsqu’il a pris sa retraite, il a décidé de consacrer une partie de son temps libre à reconstituer son arbre généalogique. Il s’est alors rapidement confronté à un problème de taille : passé plusieurs générations, tous les écrits étaient rédigés en Hán Nôm. « Pour aller plus loin, je n’avais pas le choix, je devais m’affranchir de mon ignorance et m’initier aux caractères chinois et sino-vietnamiens anciens. Les débuts ont été plus que chaotiques. J’ai parcouru toute la région et je n’ai trouvé que trois personnes ayant l’envie et la volonté de connaître l’écriture de leurs aïeux », raconte-t-il. 

Par la suite, le bouche-à-oreille a fait son chemin. Et la classe sans professeur a commencé à attirer de plus en plus d’étudiants. Nguyên Hiên, 58 ans, cherchait depuis longtemps à apprendre ces idéogrammes. Comme le colonel, il avait parcouru une grande partie de la région pour trouver un professeur. « Je me familiarise petit à petit avec toutes les subtilités du Hán Nôm et je commence à maîtriser les bases. J’en connais maintenant assez pour l’enseigner également à mes enfants », partage-t-il. Le quinquagénaire consacre parfois 3 à 5 heures de suite au Hán Nôm.

L’association attire également des femmes. Toutes les deux semaines, Ngô Thi Liêu (domiciliée dans l’arrondissement de Thanh Khê) vient avec son époux. « Il faut comprendre à quel point la connaissance de notre histoire est importante. Déchiffrer cet alphabet nous ouvre un champ incommensurable d’écrits qu’il nous était impossible de lire avant », confie-t-elle.
Pour sa part, Phan Thi Lê Hà, 61 ans (district de Hoà Vang), fréquente le club depuis quatre ans. Ne sachant pas conduire la moto, elle prend le " xe ôm " (moto-taxi) pour rejoindre la route nationale, puis prend le bus sur une trentaine de kilomètres. « Je suis croyante et me rends régulièrement dans les pagodes. Cependant, je ne pouvais lire les inscriptions gravées sur les portes. D’où ma détermination à découvrir l’ancienne écriture. La difficulté du Hán Nôm réside dans le fait que chaque mot possède plusieurs significations, certains en ayant jusqu’à 30... Il s’agit d’un apprentissage rigoureux et méticuleux », partage M me Hà.

Des découvertes historiques importantes

La classe de Hán Nôm du colonel retraité a été fondée en 2006, librement ouverte à tous ceux qui s’y intéressent. Lorsque la réunion très privée des «vieux étudiants» a pris de l’ampleur, ces derniers ont pris l’initiative d’officialiser l’association des «amoureux du Hán Nôm», et de demander une cotisation minime de 20.000 dôngs/personne/mois pour s’offrir des boissons. 

Six ans après sa création, la classe a été transformée en septembre 2012 en Centre Hán Nôm de la ville de Dà Nang. Objectif : proposer des cours de différents niveaux, préserver les traductions et les documents en écritures chinoises et sino-vietnamiennes anciennes, échanger, etc.

Le Centre Hán Nôm a notamment traduit et présenté des documents datant de la dynastie des Nguyên (1802-1945), relatifs à la souveraineté du Vietnam sur Hoàng Sa. Il s’agit notamment de la Carte intégrale du Dai Nam unifié ( Đ ạ i Nam nh ấ t th ố ng toàn đ ồ ), publié sous le règne du roi Minh Mang, avec Hoàng Sa (Paracel) et Truong Sa (Spratly) appartenant au territoire vietnamien ; et d’un document soumis au roi Minh Mang portant sur le transport de colonnes en bois en vue d’une démarcation à Hoàng Sa. Selon le chercheur en histoire et en culture Nguyên Truong Ðàn, qui suit la classe de Hán Nôm depuis plus de deux ans, ces documents originaux constituent une base solide pour régler les problèmes de souveraineté maritime encore présents aujourd’hui. « La collecte et la traduction des documents en Hán Nôm revêtent une grande importance pour l’histoire nationale. Ces documents anciens le démontrent sans ambages. Ils affirment que Hoàng Sa et Truong Sa appartiennent au Vietnam et doivent être traduits pour être présentés aux générations actuelles et futures », dit-il. 

Par ailleurs, les «vieux étudiants» ont découvert quatre vers gravés sur le trône de la dynastie des Nguyên, qui expriment les aspirations à l’indépendance de la nation. « Aujourd’hui, ces écritures sont toujours là, bien que peu de gens les comprennent. Cela montre que la protection de la souveraineté est prise en considération depuis des siècles par l’État et le peuple », affirme M. Ðàn.

Récemment, le colonel retraité Huỳnh Phuong Bá a réussi à traduire du français au vietnamien des documents publiés sur l’hebdomadaire L’Eveil économique de l’Indochine par Henri Cucherousset (1879-1934), directeur et rédacteur en chef du journal de l’époque, qui avait rédigé de nombreux articles sur Hoàng Sa. « J’espère que nous pourrons contribuer à défendre la souveraineté de Hoàng Sa et de Truong Sa », écrivait-il déjà. - VNA