Cave ouverte avec le peintre Nguyên Xuân Lân
Le peintre Nguyên Xuân Lân n’est pas un amateur de boissons alcoolisées au sens premier du terme. En revanche, il prend un indicible plaisir à en collectionner et fabriquer lui-même, tous faits à partir de plantes médicinales et de fruits.
Nguyên Xuân Lân raconte qu’il a commencé à étudier les alcools de
plantes médicinales et fabriqué son premier flacon en 1994. Peintre, il
accueille souvent des amis chez lui pour contempler ses œuvres, et le
faire avec un verre d’un breuvage original apporte un plus indéniable.
Dix-neuf ans plus tard, son salon n’est plus en mesure de stocker toute
sa collection. Il a donc aménagé sa propre cave dans laquelle reposent
des centaines de bouteilles, flasques et autres jarres, de toute taille,
essentiellement en verre et en céramique. « Ces alcools ne peuvent être
dégustés qu’au minimum un an après leur fabrication et leur stockage
sous terre », informe M. Lân.
Peu importe le flacon ?
Chaque
contenant est dédié à un contenu. Les flacons de 20-30 litres sont
utilisés pour faire macérer des wampis (sorte d’agrume), des citrons,
des pêchers ou des fleurs de lotus. Les plus grands réceptacles, souvent
des jarres de 60-70 litres, servent à la macération des fleurs de
chrysanthème. Le nom de l’alcool et la date de mise en bouteille sont
clairement indiqués sur chaque pièce, qui dépasse les 300 unités
aujourd’hui.
« Je ne suis pas un buveur. Faire macérer les
plantes et herbes médicinales, les fruits et fleurs dans l’alcool est
juste un loisir pour moi, une passion je dirais même. Mon seul but est
de régaler mes convives ». Afin de pouvoir conserver ses alcools
longtemps (plus l’alcool reste en bouteille, meilleur il est), il doit
respecter à la lettre un processus de fabrication très précis. Cela
passe d’abord par la sélection du type d’alcool dans lequel seront mises
à macérer les plantes, comme l’alcool blanc fabriqué à partir du riz
gluant Nêp cai hoa vàng (un riz gluant à gros grain particulièrement
parfumé) et d’eau puisée dans les ruisseaux de la haute région
montagneuse, qu’il faut aller se procurer sur place. Autre impératif,
l’alcool pour les fruits et fleurs doit afficher 29-30 degrés.
Certainement pas !
M.
Lân avoue bien volontiers que cette passion est assez coûteuse. Il a
dépensé beaucoup de temps et d’argent pour se procurer les plantes, les
fruits et les fleurs servant à fabriquer ses breuvages, avec notamment
de longs voyages dans les régions montagneuses du Nord. Oui, mais voilà :
ses alcools sont d’excellent remèdes pour le traitement de maladies,
notamment chez les personnes âgées. Avant de se lancer dans ce loisir,
l’artiste s’est largement documenté, puis a étudié auprès de
spécialistes de la médecine traditionnelle l’usage de chaque type de
composant dans l’optique de faire des alcools bons pour la santé.
«
La valeur de chacune de ces bouteilles est non seulement évaluée en
fonction de la rareté - et donc du prix - des matières premières et du
temps que j’ai passé pour me les procurer, mais aussi en fonction de son
efficacité médicale et des maladies qu’elles sont en mesure de traiter
», explique-t-il, révélant que plusieurs de ses concoctions ont redonné
vigueur à sa mère de 92 ans, aujourd’hui en parfaite santé.
Deux breuvages miraculeux
Parlant
brièvement de la fabrication de l’alcool de fleurs de lotus, M. Lân
explique que les fleurs utilisées sont celles cultivées dans le lac Hô
Tây (Lac de l’Ouest) à Hanoi. « En été, en pleine saison, je me rends au
point du jour dans les champs de lotus en vue de sélectionner les
fleurs les plus fraîches, encore trempées de rosée. Je veux les cueillir
avant l’apparition des premiers rayons du soleil, puisque c’est à ce
moment précis qu’elles dégagent le plus d’arômes. Cela me permet d’avoir
des jarres de meilleure qualité» .
D’après lui, il faut 150
fleurs pour une jarre d’alcool de lotus de 20 litres. En effet, il ne
garde que les pistils (qui sont retirés délicatement un à un) pour la
macération. Résultat : un alcool très bon pour les femmes, qui leur
permet d’avoir une belle teinte de peau et favorise la circulation
sanguine. Chaque année, il en fabrique environ 100 litres, qu’il offre
comme à son habitude à ses amis ou propose chez lui en dégustation.
Notre homme a également un faible pour les fleurs de chrysanthèmes. Il
nous montre une jarre de 70 litres, disposée bien à l’abri dans un coin
de sa maison. Une préparation qui lui a demandé bien des efforts
également, puisqu’il a dû aller jusqu’à la province de Hung Yên, à 40 km
de Hanoi, pour acheter les fleurs dans un village de culture de
chrysanthèmes médicinaux. Cet alcool a une saveur légère, un peu sucrée
et très douce.
« Boire un petit verre d’alcool de lotus et de
chrysanthème chaque soir vous aidera à passer une nuit réparatrice.
C’est particulièrement recommandé pour tous ceux qui souffrent
d’insomnies », assure-t-il. M. Lân a d’autres fabuleux petits trésors en
sa possession, comme cet alcool de citron à chair rose,
particulièrement efficace contre la toux ou celui de fruits de
momordiques (pommes merveilles), très bon pour les maladies oculaires.
Nguyên Xuân Lân dispose encore d’une collection de récipients d’alcools d’animaux comme les alcools de bile de mocassins, de cigales, de grosses fourmis, d’œufs de trionyx, d’hippocampes, de pieds d’antilopes sauvages, tous «mis en bouteille» il y a plus de dix ans. « Mais j’ai arrêté, conscient qu’il faut protéger la faune sauvage », affirme-t-il. - VNA