ASEAN-Chine: Quand la confiance se perd...
En dépit de l’usage habile
qu’elle fait du panda pour sa diplomatie, la Chine qui réclame la
quasi-totalité de la Mer Orientale, n’est plus perçue comme un géant
inoffensif. L’attitude de Pékin contient cependant un risque
important pour le pays, comme dit un proverbe chinois: "sans
confiance, on n’arrive à rien". Analyse de la Voix du Vietnam.
Le monde entier a été surpris de l’installation illégale par la Chine
de la plate-forme de forage Haiyang Shiyou-981 en pleine zone économique
exclusive et sur le plateau continental du Vietnam en Mer Orientale,
juste avant l’ouverture du 24 e Sommet de l’ASEAN et du 13 e dialogue
de Shangri-la sur la sécurité en Asie.
Cet acte
unilatéral est survenu alors que les négociations pour la signature d’un
Code de conduite en Mer Orientale (COC) entre Pékin et l’Association
des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) étaient en bonne voie. Cette
provocation de Pékin est considérée comme une trahison, car elle altère
la confiance en une “ émergence pacifique” de la Chine.
Une Déclaration commune sur la situation en mer Orientale a été
publiée par les ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN quelques
jours après le déploiment illicite de Haiyang Shiyou-981 dans la zone
économique exclusive et sur le plateau continental du Vietnam. Cette
déclaration sans précédent témoigne de la position unanime de l’ASEAN.
En dépit des intérêts différents des pays membres et d’une forte
influence de la Chine dans la région, la Déclaration commune de l’ASEAN a
fait taire une fois de plus les sceptiques à propos d’une ASEAN divisée
sur ce sujet compliqué.
Étrange paradoxe entre les actes et les paroles de la Chine
“ La Chine et l’ASEAN partagent un même destin, la joie comme le
chagrin. Les deux parties doivent édifier la confiance réciproque, le
bon voisinage et maintenir la solidarité”. On oublierait presque ces
déclarations qui ont été faites par des dirigeants chinois lors du
sommet de l’ASEAN et des sommets entre l’ASEAN et ses partenaires à la
fin de l’année 2013.
À cette époque, la confiance
entre les deux parties était en pleine consolidation. Lorsque l’ASEAN
et la Chine commémoraient les 10 ans de leur partenariat stratégique, le
Premier ministre chinois Li Keqiang avait proposé de construire “
une décennie de diamant” en signant avec l’Association un accord de 3
bons: Bon voisinage, Bonne amitié et Bonne coopération. Pékin avait même
proposé de créer “ la route de la soie maritime du XXIe siècle”, en
vue du développement commercial et d’un élargissement de la civilisation
chinoise, sans aucune visée hégémonique.
Alors
qu’il venait de prendre ses fonctions de ministre chinois des Affaires
étrangères Wang Yi avait d’ailleurs choisi l’ASEAN comme première
tournée à l’étranger. Ce choix avait suscité l’espoir de belles
perpectives pour l’ASEAN, un partenaire stratégique de Pékin.
De son côté, l’ASEAN n’a ménagé aucun effort pour consolider ses
relations avec la Chine, en prenant en haute estime les propositions de
Pékin sur l’avenir de la région. L’Association avait notamment plaidé
pour un partenariat maritime ASEAN-Chine et proposé des mesures
destinées à développer la confiance. Le but: approfondir le partenariat
stratégique avec la Chine dans sa deuxième décennie d’existence. Les 10
pays membres de l’ASEAN, qui respectent pleinement la Déclaration sur la
conduite des parties en mer Orientales (DOC), étaient motivés pour
créer un futur Code de conduite en Mer Orientale. L’ASEAN souhaitait
alors que le “ rêve chinois” devienne le “ rêve sud-est
asiatique”, espérant que la Chine changera d’approches sur les litiges
maritimes avec certains pays de la région.
Or, Pékin
a matérialisé sa “ bonne amitié” avec l’ASEAN en déployant
illégalement sa plate-forme de forage, ses bâtiments militaires et ses
avions de combat dans la zone économique exclusive et sur le plateau
continental du Vietnam. Ses navires d’escorte n’ont pas hésité à
percuter les bateaux de pêche et ceux des forces publiques du Vietnam et
a utilisé des puisants canons à eau. Pire encore, les médias chinois
ont appelé à “ offrir une leçon au Vietnam en cas de protestation”.
Les actes unilatéraux commis par Pékin menacent
sérieusement la paix et la stabilité de la région et ont choqué l’ASEAN
comme toute la communauté internationale. En violant le droit
international et la DOC, la Chine a mis à néant ses engagements pris
avec l’ASEAN sur une région alors pacifique, stable et prospère.
Isolé avec son rêve d’“ émergence pacifique”
En réalité, en agissant par menaces et provocations en mer contre le
Vietnam, la Chine n’a pas réussi à convaincre le monde et ses voisins
qu’il était une “ émergence pacifique”. À cela s’ajoute que la
Chine a fait la sourde oreille aux demandes légitimes des Philippines et
à ses devoirs envers le tribunal international concernant le litige sur
la souveraineté du récif de Scarborough en Mer Orientale.
La communauté internationnale se demande comment la Chine deviendra
une puissance en défiant le droit international pour installer un nouvel
ordre hégémonique dans la région? Saper son propre prestige et trahir
les engagements de ses plus hauts dirigeants, est-ce que ce sont des
mesures de Pékin pour maintenir ses intérêts à long terme?
Pour chaque pays, la paix et la stabilité sont indispensables pour le
développement. Pourtant, une fois que cet environnement est détruit, la
confiance en la Chine se perd rapidement, et donc, Pékin sera isolé dans
son parcours de développement en tant qu’émergence pacifique. – VNA