Agent orange : des firmes américaines freinent le procès Trân Tô Nga
Premier coup de
théâtre au Tribunal de Grande Instance d’Évry : «Certaines firmes
américaines, représentées par leurs avocats, ont soulevé un incident de
communication des pièces afin de retarder le débat de fond concernant la
responsabilité civile», a déclaré Me Bertrand Repolt, à l’issue de la
2e audience du procès intenté par Mme Trân Tô Nga, une Française
d’origine vietnamienne, contre 26 firmes américaines ayant produit de
l’agent orange, un puissant défoliant largué par l’armée américaine
pendant la guerre du Vietnam (de 1961 à 1971).
L’avocat
Bertrand Repolt, qui représente le cabinet «Bourdon & Forestier»
inscrit au Barreau de Paris et défend Mme Trân Tô Nga, était présent à
l’audience, de même que les 19 autres avocats représentant 19 sociétés
américaines.
Les représentants de certaines sociétés
américaines ont reproché à la partie demanderesse de ne pas avoir
communiqué à l’appui de son assignation des pièces suffisamment
probantes. «Or, cette question sur la qualité des pièces est un débat au
fond et elle ne doit pas faire l’objet d’un tel incident», a estimé Me
Bertrand Repolt. Et d’ajouter : «Toutes les pièces ont été communiquées.
Si à l’avenir, on nous demande d’étayer par d’autres pièces, nous le
ferons très volontiers dans le cadre des discussions sur le fond du
dossier, mais pas à ce stade».
Il a expliqué que cette
manière dilatoire qui reflète l’état d’esprit des sociétés américaines a
été utilisée à mauvais escient quand on pense à l’attente que ce procès
génère, une attente bien légitime, et quand on pense à l’état de santé
fragile de Mme Nga, elle qui souhaiterait que le débat ait lieu le plus
rapidement possible. Malgré cet incident, lors de l’audience de mise en
état du 18 juin, les parties sont parvenues à obtenir un calendrier
suffisamment serré qui permettra d’aborder les questions essentielles,
vers mi-octobre.
N’étant pas convoquée par le jury, Mme
Trân Tô Nga est quand même venue au tribunal, mais elle est restée à
l’extérieur de la salle. S’adressant à des journalistes qui sont venus
couvrir cet événement, elle a exprimé sa détermination de poursuivre
jusqu’au bout ce procès : «Je suis très contente parce que le procès
avance. Même si la partie adverse crée cet incident, ce qui veut dire
que le combat se prolonge, la situation évolue quand même. Les
difficultés sont inévitables, nous le savions avant de venir ici».
Sur
les raisons qui l’ont poussée à poursuivre ce combat juridique, Mme Nga
a dit que ce n’était pas pour elle, ses indemnités qu’elle avait déposé
cette plainte. Elle pense plutôt aux malades à cause de l’agent
orange/dioxine, à ceux qui souffrent de graves douleurs mais qui n’ont
pas les moyens pour se soigner, à ceux qui sont moins malades, mais qui
n’ont pas d’argent pour être formés professionnellement, ce qui ne leur
permet pas de vivre avec la dignité qu’ils méritent.
«Si je
suis en face des représentants des sociétés américaines, je leur
demanderai de penser à ceux qui sont malheureux à cause de leurs faits,
que ce soient ceux qu’ils aient accomplis volontairement ou +sur
commande du gouvernement américain+. Mais le résultat est là, et il faut
réparer ce désastre», a-t-elle affirmé.
Étaient présents
dans la cour du tribunal, Nicolas Jaillard, journaliste indépendant qui
fait des reportages pour différentes chaînes dont France 24 ; Sylvie
Jacquemin et Milena Donato, qui participent à la production d’un film
documentaire pour la firme américaine «Films for Humanity» basée à New
York ; et Felix Klickermnn, un jeune journaliste allemand. Tous ont
exprimé leur intérêt pour ce procès qui touche aux questions historiques
et humaines. –VNA/CVN