Le procès Trân Tô Nga, lié à l’agent orange déversé au Vietnam durant la guerre américaine, est à peine débuté que certaines des 26 firmes américaines incriminées ont déjà trouvé un moyen de retarder son avancée. Leurs avocats ont en effet invoqué un «incident de communication des pièces» demandées pour la séance de mise en état, le 18 juin au Tribunal de Grande Instance d’Évry, en banlieue parisienne. Le récit.

Premier coup de théâtre au Tribunal de Grande Instance d’Évry : «Certaines firmes américaines, représentées par leurs avocats, ont soulevé un incident de communication des pièces afin de retarder le débat de fond concernant la responsabilité civile», a déclaré Me Bertrand Repolt, à l’issue de la 2e audience du procès intenté par Mme Trân Tô Nga, une Française d’origine vietnamienne, contre 26 firmes américaines ayant produit de l’agent orange, un puissant défoliant largué par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam (de 1961 à 1971).

L’avocat Bertrand Repolt, qui représente le cabinet «Bourdon & Forestier» inscrit au Barreau de Paris et défend Mme Trân Tô Nga, était présent à l’audience, de même que les 19 autres avocats représentant 19 sociétés américaines.

Les représentants de certaines sociétés américaines ont reproché à la partie demanderesse de ne pas avoir communiqué à l’appui de son assignation des pièces suffisamment probantes. «Or, cette question sur la qualité des pièces est un débat au fond et elle ne doit pas faire l’objet d’un tel incident», a estimé Me Bertrand Repolt. Et d’ajouter : «Toutes les pièces ont été communiquées. Si à l’avenir, on nous demande d’étayer par d’autres pièces, nous le ferons très volontiers dans le cadre des discussions sur le fond du dossier, mais pas à ce stade».

Il a expliqué que cette manière dilatoire qui reflète l’état d’esprit des sociétés américaines a été utilisée à mauvais escient quand on pense à l’attente que ce procès génère, une attente bien légitime, et quand on pense à l’état de santé fragile de Mme Nga, elle qui souhaiterait que le débat ait lieu le plus rapidement possible. Malgré cet incident, lors de l’audience de mise en état du 18 juin, les parties sont parvenues à obtenir un calendrier suffisamment serré qui permettra d’aborder les questions essentielles, vers mi-octobre.

N’étant pas convoquée par le jury, Mme Trân Tô Nga est quand même venue au tribunal, mais elle est restée à l’extérieur de la salle. S’adressant à des journalistes qui sont venus couvrir cet événement, elle a exprimé sa détermination de poursuivre jusqu’au bout ce procès : «Je suis très contente parce que le procès avance. Même si la partie adverse crée cet incident, ce qui veut dire que le combat se prolonge, la situation évolue quand même. Les difficultés sont inévitables, nous le savions avant de venir ici».

Sur les raisons qui l’ont poussée à poursuivre ce combat juridique, Mme Nga a dit que ce n’était pas pour elle, ses indemnités qu’elle avait déposé cette plainte. Elle pense plutôt aux malades à cause de l’agent orange/dioxine, à ceux qui souffrent de graves douleurs mais qui n’ont pas les moyens pour se soigner, à ceux qui sont moins malades, mais qui n’ont pas d’argent pour être formés professionnellement, ce qui ne leur permet pas de vivre avec la dignité qu’ils méritent.

«Si je suis en face des représentants des sociétés américaines, je leur demanderai de penser à ceux qui sont malheureux à cause de leurs faits, que ce soient ceux qu’ils aient accomplis volontairement ou +sur commande du gouvernement américain+. Mais le résultat est là, et il faut réparer ce désastre», a-t-elle affirmé.

Étaient présents dans la cour du tribunal, Nicolas Jaillard, journaliste indépendant qui fait des reportages pour différentes chaînes dont France 24 ; Sylvie Jacquemin et Milena Donato, qui participent à la production d’un film documentaire pour la firme américaine «Films for Humanity» basée à New York ; et Felix Klickermnn, un jeune journaliste allemand. Tous ont exprimé leur intérêt pour ce procès qui touche aux questions historiques et humaines. –VNA/CVN